Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/264

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Telle était, au 4 Septembre, la situation. Tels étaient les personnages du drame qui commençait et qui allait avoir son épilogue à la Commune.

Cependant, si, à cette heure solennelle, le peuple de Paris n’était pas son maître, s’il avait abdiqué une fois de plus, se déchargeant sur d’autres du soin de sa défense, c’était bien sa faute en attendant que ce fût son châtiment. Après avoir envahi le Corps législatif, en avoir chassé les laquais de l’homme de Décembre et proclamé la déchéance, il pouvait garder devers lui le pouvoir qu’il venait de conquérir. Entrainement, habitude, défiance de soi, de ses capacités politiques, il s’était remis lui-même entre les mains de ceux dont il était payé, il semble, pour savoir la débilité et la déloyauté et qui n’avaient d’autre titre que d’être ses élus, les élus de Paris.

Néanmoins, l’abandon populaire n’avait pas été si entier que dés le 4 Septembre, au soir, le gouvernement de la « Défense nationale », pas même installé, n’eut reçu la visite des premiers délégués de la classe ouvrière. Ces délégués sortaient de la Corderie. Ils étaient mandatés par la section parisienne de l’Internationale et la Fédération des Chambres syndicales ouvrières.

Ce fut Gambetta qui les accueillit et écouta leur communication.

Ces délégués venaient dire les conditions auxquelles eux et leurs commettants étaient disposés à mettre leur concours entier à la disposition du nouveau gouvernement.

Ces conditions étaient telles :

Élection immédiate à Paris des conseils municipaux, ayant mission spéciale, en outre de leurs fonctions administratives, d’organiser rapidement la formation des bataillons de la garde nationale et leur armement. — Suppression de la préfecture de police et restitution aux municipalités parisiennes de la plupart des services centralisés à cette préfecture. — Déclaration en principe de l’éligibilité et de la révocabilité de tous les magistrats et élection de ces magistrats dans le plus bref délai possible. — Abrogation de toutes les lois répressives, restrictives et fiscales régissant la presse ; reconnaissance du droit entier de réunion et de celui d’association. — Suppression du budget des cultes. — Annulation de toutes les condamnations politiques prononcées à ce jour ; cessation de toutes poursuites intentées antérieurement et libération de toutes les personnes incarcérées à la suite des derniers événements.

Ce programme, on peut en juger, en outre des mesures immédiates commandées par les circonstances, ne dépassait pas le programme sur lequel Gambetta en personne avait été élu un an auparavant, le programme de 1869, le programme de Belleville.

Le tribun répondit par des généralités, des phrases et des assurances vagues. Il parla d’amnistie, allégua que la liberté de la presse était d’ores et déjà un fait acquis par la suppression du timbre et du cautionnement. Pour le surplus, il promit son bienveillant examen et celui de ses collègues.