Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/284

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socialiste qu’il conservait néanmoins et qui bientôt allait redevenir la dominante, la double caractéristique républicaine et patriotique.

Quelques précisions sont ici nécessaires puisque en somme, au 18 mars, le Comité central de la garde nationale devait occuper le devant de la scène et que ce Comité, avec des avatars divers et des fortunes plus ou moins heureuses, ne cessa pas de jouer un rôle dans les événements jusqu’à l’écrasement définitif de la Révolution.

La première réunion de la garde nationale se produisit au Cirque d’Hiver, le 6 février, sous la présidence de Courty, négociant au IIIe. L’affluence y avait été grande et une deuxième réunion y fut décidée qui se tint au Waux-Hall, dans la soirée du 15 février. L’idée de fédérer tous les bataillons de la garde nationale s’y fit jour spontanément de toutes parts et une Commission fut nommée, chargée d’élaborer les statuts de la nouvelle Fédération, Commission composée d’inconnus, qui tirés de l’anonymat un jour devaient y retomber le lendemain.

Le 24 février, au Waux-Hall, troisième réunion, 2.000 délégués sont présents, qui, à l’unanimité, adoptent cette résolution : « La garde nationale proteste par l’organe de son Comité central contre toute tentative de désarmement et déclare qu’au besoin elle y résistera par les armes ». Après quoi, les 2.000 délégués se rendent en masse à la manifestation organisée à la place de la Bastille, entraînant avec eux sur leur passage mobiles et soldats.

Manifestation grandiose qui se reproduisit plus grandiose encore les jours suivants. Un drapeau rouge avait été fixé par un intrépide, tout en haut de la colonne, dans la hampe tenue par la main du Génie. Les bataillons de tous les quartiers populaires défilèrent successivement, tambours et drapeau en tête, attachant à la grille, déposant sur le piédestal du monument des couronnes d’immortelles. L’armée y vint aussi, des compagnies, des régiments bientôt, avec leurs sous-officiers, parfois des officiers. Les préliminaires de paix arrêtés entre Bismarck et Thiers étaient connus. On savait le projet de traité, ses clauses honteuses, l’entrée imminente des Prussiens dans la capitale et la protestation indignée gagnait de la garde nationale la mobile, de la mobile l’armée. Les troupes envoyées par Vinoy pour surveiller ou dissiper les manifestants fraternisaient avec eux.

Le 20, on crut que l’entrée des Prussiens était pour la nuit et sans qu’un mot d’ordre ait été donné, 40.000 hommes, de minuit à 4 heures du matin, remontèrent en armes l’avenue des Champs-Elysées et de la Grande-Armée marchant à la rencontre de l’ennemi. Les Prussiens ne vinrent heureusement pas ; ce n’était qu’une alerte ; ils ne devaient entrer, au nombre de 30.000, que le 1er mars, ainsi que l’indiqua le 27 par affiche, Picard, ministre, parlant au nom du Gouvernement. Ce répit laissait donc aux délégués du Waux-Hall le temps de consulter leurs compagnies. Or, presque toutes, certaines à l’unanimité, se prononcèrent pour la prise d’armes, une catastrophe affreuse était à