Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/287

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les chefs de tous grades devront être soumis immédiatement à une nouvelle réélection. » Les articles des statuts adoptés ensuite réglaient l’organisation et la composition de l’Assemblée générale des délégués, du Cercle de bataillon, du Conseil de légion et du Comité central.

À la séance qui suivit, 13 mars, les délégués de chaque arrondissement se présentèrent avec des pouvoirs en règle, légalisés par la signature du sergent-major des compagnies. 215 bataillons sur 270, soit les quatre cinquièmes, avaient adhéré. Garibaldi fut acclamé général en chef, Fallot et Jaclard désignés chefs de la légion, Charles Lullier colonel d’artillerie. Ces quatre hommes constituaient la Commission d’exécution chargée de parer à toutes les éventualités.

Paris, à cette heure, s’identifiait donc réellement avec sa garde nationale, appuyée sur ses fusils et sur ses canons, et il est permis de dire qu’on ne vit jamais peut-être pénétration plus complète de l’élément militaire et de l’élément civil, un groupement aussi vaste et aussi méthodiquement organisé de soldats-citoyens.

C’est à cette force que Thiers rendu sur place décidait de s’attaquer ; c’est cette force qu’il résolut de désarmer, en lui soustrayant ses canons pour débuter ; les fusils viendraient en seconde ligne.

Les canons, nous en avons touché un mot plus haut, appartenaient, à n’en pas douter, à la garde nationale. Celle-ci les avait payés de ses deniers. Chaque bataillon, au cours du siège, avait voulu ses bouches à feu et, pour ce, avait ouvert dans ses rangs une souscription. Le bourgeois avait donné sans doute ; mais le travailleur aussi, autant, sinon davantage. Payées de ses deniers, ces pièces appartenaient encore à la garde nationale, en ce sens qu’elle venait de les sauver de la mainmise prussienne. 400 d’entre elles, nous l’avons dit, avaient été, par scandaleuse incurie oubliées, dans le périmètre que devaient occuper les Prussiens et c’étaient les bataillons fédérés qui, à la dernière minute, de Passy et de la place Wagram les avaient ramenées dans les lignes françaises.

Thiers, les généraux, n’en déclaraient pas moins que ces canons revenaient à la nation, c’est-à-dire à eux et que les Parisiens, en gardant un bien qui n’était pas leur, se rendaient coupables de vol.

De ces canons, les uns avaient été conduits au parc Montceau, d’autres à la place des Vosges, le plus grand nombre hissés aux Buttes-Chaumont, à Belleville, à Montmartre, dont à ce moment ils couronnaient les hauteurs. À Montmartre des tranchées même avaient été creusées sur la butte par les soins d’un Comité spécial qui siégeait salle Robert, au no 6 de la rue des Rosiers, et qui s’était formé — le point est à retenir — en dehors de la Fédération et de l’influence du Comité central.