Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/378

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assassinés par Versailles ; ils avaient payé de leur vie, leur excès d’enthousiasme et d’ardeur. Et puis, si la Commission exécutive n’avait pas ordonné la sortie, elle ne l’avait pas non plus interdite ; elle avait donc sa part de responsabilité dans le désastre. C’est ce que Vaillant indiqua à la séance du 3 au soir, à l’encontre de Lefrançais qui, en manière de protestation, donnait sa démission. Comme sanction, la Commune priait alors les deux généraux survivants, Eudes et Bergeret, de renoncer à leurs fonctions de membres de la Commission exécutive et les remplaçait, ainsi que Duval, mort, par Delescluze, Cournet et Vermorel. D’un autre côté, elle appelait à la direction de l’administration de la guerre Cluseret, déjà adjoint à Eudes, dès le 2 au soir, mais qui, toutefois, n’avait pas coopéré à la sortie.

La Commune avait encore un autre devoir urgent à remplir : aviser pour que l’Assemblée nationale mit un terme aux fusillades de prisonniers, aux égorgements de blessés que les Vinoy et les Gallifet avaient si gaillardement inaugurés à Chatou et à Rueil, à Châtillon et au Petit-Bicétre. Déjà, le 2 avril, après la première agression des troupes versaillaises, la Commune avait pris un décret dont l’article premier disait que MM. Thiers, Favre, Picard, Dufaure, Simon et Polhuau étaient mis en accusation pour avoir ordonné et commencé la guerre civile, attaqué Paris, tué et blessé des gardes nationaux, des soldats de la ligne, des femmes et des enfants et dont l’article 2 déclarait que leurs biens seraient saisis et mis sous séquestre, jusqu’à ce qu’ils eussent comparu devant la justice du peuple.

Mais s’attaquer aux meubles et aux immeubles que les criminels pouvaient posséder dans la capitale était insuffisant. La bourgeoisie assassine ne reculerait pas ; elle n’hésiterait que si elle se sentait menacée dans sa chair, que si elle entrevoyait quelques-uns des siens, et des plus haut cotés, au bout des canons de fusil des fédérés. C’est cette pensée que N’aillant exprimait à la séance du 4, quand il disait : « Pour répondre aux assassinats du Gouvernement de Versailles, que la Commune se rappelle qu’elle a des otages et qu’elle rende coup pour coup ». C’est cette pensée qui amenait Delescluze à proposer à la séance du 5 le décret sur les otages qui fut voté à l’unanimité et dont voici la teneur :

« La Commune de Paris,

« Considérant que le gouvernement foule ouvertement aux pieds les droits de l’humanité, comme ceux de la guerre ; qu’il s’est rendu coupable d’horreurs dont ne se sont même pas souillés les envahisseurs prussiens ;

« Considérant que les représentants de la Commune de Paris ont le devoir impérieux de défendre l’honneur et la vie des deux millions d’habitants qui ont remis entre leurs mains le soin de leurs destinées, qu’il importe de prendre sur l’heure toutes les mesures nécessitées par la situation ;

« Considérant que des hommes politiques et des magistrats de la cité doivent concilier le salut commun avec le respect des libertés publiques,