Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/381

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métiers se remettaient à battre au quartier de la Croix-Rousse. Lyon esquissera en avril un nouveau geste de révolte, mais plus aisément réprimé encore et plus cruellement. Cinquante prolétaires, cette fois, tomberont derrière les barricades de la Guillotière.

L’échec du mouvement à Lyon, exploité par le préfet de Saône-et-Loire, frère de Jules Ferry, entraînait l’échec du mouvement au Creusot où les ouvriers de l’usine Schneider avaient, le 26 mars, sous l’impulsion du maire Dumay, proclamé la Commune et décidé de seconder la Révolution parisienne. Charles Ferry avait promis l’amnistie générale. Son premier acte n’en fut pas moins, dès qu’il eût pénétré à l’Hôtel de Ville à la tête du 34e de marche, de mettre la main au collet de Dumay et de l’incarcérer.

À Saint-Etienne, l’alerte fut plus chaude. L’Hôtel de Ville demeura quatre jours, du 24 au 27 mars, aux mains des milices populaires et il est avéré que si des hommes de coup d’œil et de décision s’étaient levés parmi la foule qui eussent assumé la direction de l’entreprise, la cité stéphanoise peuplée d’ouvriers d’élite : armuriers. passementiers et ceinturée d’une banlieue industrielle : la Ricamarie, Firminy. Saint-Chamond où la révolte était en quelque sorte endémique eut fourni, dans toute la région un point d’appui sérieux à un mouvement général, ravivé l’incendie mal éteint à Lyon et créé une diversion éminemment utile à la cause parisienne. Malheureusement, il ne se trouva pas de meneurs à la minute voulue. Après le meurtre du préfet de l’Espée, tué par inadvertance dans une échauffourée impromptue, la classe ouvrière atterrée par l’incident lâcha pied, s’abandonna. Des troupes étaient arrivées sur ces entrefaites de Montbrison, de Lyon. Les arrestations commencèrent et l’ordre régna.

Dans le Midi, trois villes surtout s’agitèrent : Toulouse, Marseille et Narbonne. À Toulouse l’agitation demeura verbale et parlementaire, si l’on peut dire ; mais à Narbonne, et surtout à Marseille, elle aboutit à la résistance armée et à la bataille.

Toulouse et la Haute-Garonne avaient depuis le 4 septembre comme préfet Armand Duportal qui fit durant toute la guerre une vive opposition à Gambetta, pas des plus louables du reste, et qui jouissait d’une grande popularité auprès de ses concitoyens. Il inspirait et dirigeait un journal local, L’Emancipation, organe d’un républicanisme très net et menant lutte ouverte contre l’Assemblée nationale et ses manœuvres réactionnaires. Le 19 mars, en relatant les événements dont Paris avait été le théâtre la veille, l’Emancipation concluait à la déchéance de l’Assemblée versaillaise. Une vive effervescence se produisit aussitôt en ville. Les officiers de la garde nationale convoqués au Colysée, jurèrent de défendre la République et réclamèrent des cartouches pour leurs bataillons, requête à laquelle le maire Castelbou acquiesça. Le premier président du tribunal, un certain de Saint-Gresse, inquiet de la tournure des événements, télégraphiait alors à Versailles pour dénoncer Duportal et obtenir son