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Cambrai, d’Auxerre, où les généraux de l’ordre réunissent, arment et catéchisent les prisonniers d’Allemagne rendus par Bismarck complice.

Au Nord-Ouest, sur les berges de la Seine, à Asnières, à Neuilly, vers la Porte-Maillot, la résistance fut admirable et épique. Du premier coup, Dombrowski avait rétabli la situation et jusqu’au 20 mai, dans ces parages, une poignée de braves tiendra en échec un adversaire dix fois supérieur en nombre avec des alternatives de succès et de revers.

Dans la nuit du 9 avril, Dombrowski débutait en chassant, accompagné de Vermorel, les Versaillais d’Asnières. De là il canonnait, avec des wagons blindés circulant sur la voie ferrée, Courbevoie et le pont de Neuilly. La même nuit, son frère Ladislas, avec Jaclard, se saisissait d’un autre point stratégique : le château de Bécon, qui commande la route d’Asnières à Courbevoie. Le 12 avril, les Versaillais tentaient contre cette dernière position un retour offensif, mais ils étaient repoussés. Le château de Bécon ne devait être repris par les troupes de l’ordre que le 17. Ce jour, les 250 fédérés qui l’occupaient, après avoir tenu six heures contre une brigade entière, se retiraient. Le lendemain, Asnières était attaqué à son tour et Dombrowski, n’ayant reçu pour tout renfort que 300 hommes, devait évacuer le village et repasser la Seine. Auguste Okolowicz fut grièvement blessé dans cette rencontre. Dombrowski se retrancha alors dans Neuilly où, pendant des semaines, la lutte se poursuivit âpre, ininterrompue, de jour comme de nuit. Chaque maison, chaque jardin devenus champ de bataille furent pris et repris tour à tour par les fédérés et leurs adversaires. Impassible sous la fusillade, avec une bravoure froide et comme inconsciente, Dombrowski, présent partout, veillait à tout, parait à tout.

La situation était terrible ; les combattants vivaient comme dans un enfer, sans cesse assaillis, dormant à peine, ne quittant le fusil que pour se saisir de la pioche et élever les retranchements improvisés qui, une heure ou deux, leur serviraient d’abris incertains jusqu’à ce que, délogés, tournés, ils aillent quelques pas plus loin réédifier d’autres retranchements semblables pour une défensive nouvelle. Du Mont-Valérien, de la formidable redoute de Montretout, une pluie de fer et de feu s’abattait sans discontinuer sur eux et aussi sur le malheureux village, sur Asnières, sur Levallois qui n’étaient plus que ruines, décombres, cendres et incendie. À cette canonnade furieuse répondaient seuls ou à peu près les canons établis à découvert à la Porte-Maillot et placés sous le feu plongeant de l’ennemi. Là aussi, à ce poste intenable, se dépensèrent des trésors d’énergie et de vaillance. Quarante-huit jours les pièces de la Porte-Maillot tonnèrent sans arrêt. Pointeurs et servants n’y résidaient guère plus de quelques heures, car la mort avait tôt fait de les y faucher. Cependant pas un instant les pièces ne chômèrent et ne se turent. Il se trouvait toujours et immédiatement d’autres intrépides pour prendre la place des intrépides qui venaient de succomber sous leurs yeux.

Dans la région du Sud, avec Wroblewski, les hostilités se poursuivaient