Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/412

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eut l’ambition de donner à la Commune une assiette budgétaire solide, défiant toute critique et toute attaque et qui y parvint malgré les moyens limités dont il disposait, malgré les obstacles qui se dressaient de toutes parts.

Nous n’insisterons pas sur ses timidités, sur ses préoccupations trop légalistes. Nous avons eu l’occasion de les signaler en parlant de l’attitude du gouvernement révolutionnaire vis-à-vis de la Banque de France. Mais cette réserve faite, on est obligé de convenir — et tous en ont convenu au reste, amis comme adversaires — que l’employé Jourde, improvisé par les événements directeur des Finances d’une cité aussi importante que maint État, se montra pleinement à la hauteur de sa tâche ingrate et y révéla des qualités et des capacités que la Bourgeoisie considère comme l’apanage exclusif des professionnels de sa caste, initiés de longue date « aux secrets des grandes affaires ».

L’obligation quotidienne qui s’imposait d’abord à Jourde était de nourrir et d’entretenir près d’un demi-million d’êtres humains. Des statistiques publiées au 15 mai 1871 par M. Audiganne dans la Revue des Deux-Mondes, il résulte que sur les 600.000 ouvriers résidant à Paris, à l’époque, 114.000 seulement, dont 62.500 femmes, étaient occupés. Le reste était à nourrir cependant, qu’il s’agit des travailleurs enrôlés dans les rangs fédérés et qui attendaient chaque jour leur modeste solde de trente sous, ou qu’il s’agit des vieillards impropres aux armes, ou encore des femmes sans appui, veuves ou abandonnées, comme on en comptait alors par milliers et qu’on ne pouvait, du point de vue de la stricte humanité, laisser périr de faim. Procurer à la garde nationale tout ce dont elle avait besoin pour le combat constituait une seconde obligation non moins urgente, non moins impérative. Enfin le délégué devait alimenter et défrayer tous les autres services qui, avec le sien, coopéraient à assurer le fonctionnement d’ensemble de la Commune.

Avec quelles ressources Jourde fit-il face à ces obligations exigeantes et multiples ? C’est ce qu’il a indiqué à la séance du 2 mai en fournissant à l’appui de ces déclarations un état détaillé des recettes et des paiements effectués du 20 mars au 30 avril par les caisses centrales du Trésor public. Cet état qui porte la signature de son fidèle collaborateur, G. Durand, caissier principal, a paru dans le Journal Officiel, en date du 4 mai. Si nous relevons les recettes d’abord, nous voyons que Jourde avait trouvé en espèces dans diverses caisses publiques, aux Finances ou à l’Hôtel de Ville, 4.658.112 francs. De plus, la Ville de Paris avait à la Banque de France un solde créditeur de 9.400.000 fr. environ qui, du consentement de M. de Plœuc, lui fit retour par acomptes. Vers la fin d’avril, comme ce solde était épuisé, Jourde obtint des régents de la Banque qu’il serait quotidiennement versé par elle, entre ses mains, une somme de 400.000 francs. En échange, il proposait à la Banque d’encaisser elle-même les revenus de la Ville. Jourde se procura de la sorte, jusqu’au 23 mai, une nouvelle somme globale de 7.290.000 francs. Jusqu’au 30 avril, l’Enregistrement et le Timbre avaient procuré 500.000 francs. Les cinq grandes Compagnies de