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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/413

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chemins de fer versaient de leur côté, en application du décret du 27 avril, une somme de deux millions imputée sur l’arriéré des impôts dus à l’État. Enfin, l’Octroi, les Contributions directes et indirectes, les Douanes, les Postes et les Télégraphes, les Tabacs, les Halles et les Marchés rapportaient 11 millions environ, du 20 mars au 30 avril, dont 8.466.988 francs pour les seuls octrois. Au total, le Trésor avait opéré une rentrée de 20.013.916 francs.

Les dépenses pour la même période s’étaient élevées à 25.138.089 francs dont, en chiffres ronds : 20 millions étaient allés à la Guerre, 1.813.000 à l’Intendance, 1.446.000 à l’ensemble des municipalités, 235.000 à la Commission de sûreté générale, 182.000 aux Hôpitaux militaires, 103.000 à l’Intérieur, 112.000 aux Relations extérieures, 100.000 à l’Imprimerie nationale, 99.000 aux Sapeurs-pompiers, 50.000 au Commerce, 44.500 à la Commission des barricades, 29.000 à la Marine, 24.662 à diverses Associations ouvrières, etc.

En résumé, le budget de la Commune présentait, au 30 avril, un excédent de 875.000 francs. Dans le courant du mois de mai, Jourde ordonnança 20 millions environ de paiements nouveaux. Comité central et Commune ont dépensé par suite, en neuf semaines, un peu plus de 46 millions et entretenu sur pied, avec cette somme relativement minime, une armée de 170.000 combattants.

N’avions-nous pas raison de dire qu’on n’avait pas vu et qu’on n’a pas revu encore gouvernement aussi ménager des deniers de la collectivité ? Ce qui n’a pas empêché ce parfait Tartuffe de Jules Simon d’écrire : « Jamais, sous aucun régime, il n’y eut autant de gaspillage ». Jourde fut pour quelque chose, pour beaucoup même, dans cette stricte économie et cet ordre insolite. Il payait d’exemple, déjeunant à trente-deux sous chez le marchand de vin du coin avec ses collaborateurs ou ses camarades Varlin, Camélinat, Perrachon, après avoir manié, dans la matinée, les billets bleus par liasses, et il envoyait sa compagne savonner au lavoir public son linge quasi-ministériel. Plus tard, lors de son procès, les chacals même des conseils de guerre ne purent mordre sur son intégrité et sur la régularité de sa gestion.

À la délégation du Travail et de l’Échange, Frænckel, un autre prolétaire, bijoutier de sa profession, donnait le même exemple d’application, d’intelligence et de dévouement. Il a laissé pourtant un souvenir plus effacé que celui de Jourde. C’est qu’aussi bien sa tâche était plus ingrate et plus délicate. Il sera toujours plus aisé de colliger des fonds et de balancer une comptabilité que de travailler efficacement à instituer des rapports économiques nouveaux.

Adepte de l’Internationale, propagandiste des idées socialistes sous l’Empire, entouré, au surplus, à la Commission d’hommes, pareils à lui, comme lui, anciens militants de l’Internationale, Theisz, Malon, Avrial, il aurait voulu, certes, dégager le caractère profond de la Révolution commencée et gagner la population ouvrière par une transformation sociale amorcée ; mais il n’y parvint pas. L’œuvre accomplie demeura très inférieure à ses visées, à celles de ses