Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/431

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régressive de la classe aisée et de l’« intelligence », comme on dit d’un mot heureux dans certaines langues étrangères.

Le tort de la Commune ne fut-il pas, à ce moment, de ne pas rompre par ses mesures et sa politique générale avec qui rompait ainsi avec elle ? Il se peut : mais l’opération n’était pas aussi aisée qu’on serait tenté de l’imaginer. Effectivement, les frontières des classes, dans le milieu parisien, n’étaient pas plus nettement tranchées alors qu’elles ne le sont actuellement ; moins peut-être. Il était difficile par suite de favoriser à plein les intérêts économiques des catégories strictement salariées sans risquer de froisser en même temps les habitudes et les intérêts de tout un monde de petits producteurs encore détenteurs de leurs instruments de travail. Au surplus, une politique d’expropriation méthodique n’était pas possible pour cette autre raison péremptoire que les travailleurs salariés eux-mêmes, dans leur masse, concevaient à peine le fonctionnement d’une société sur d’autres bases que les bases traditionnelles et ne possédaient, comme nous l’avons précédemment noté, aucune des institutions syndicales et coopératives requises pour assurer, toutes institutions capitalistes abolies, un fonctionnement normal de la production et de l’échange. Un régime nouveau, un régime social surtout, ne s’improvise pas par décrets ; les décrets, les lois ne viennent que sanctionner les rapports déjà existants. En tentant, sur ce terrain, de devancer les ans, la Commune n’eut abouti, très probablement, qu’à retourner contre elle une partie de ses propres forces et les meilleures, sans susciter chez les salariés un plus vif élan et un dévouement plus agissant. Il ne lui était guère licite que de travailler, sous le couvert de la démocratisation des institutions politiques, à amorcer une transformation sociale générale, et c’est ce qu’elle fit.

Le fit-elle bien ou le fit-elle mal ? Mal plutôt et insuffisamment ; mais ceci est la faute des hommes et dérive de la composition même de la Commune. Nous en avons déjà dit assez à cet égard pour n’y pas revenir. La même incertitude, le même trouble, le même manque de décision et d’audace que nous avons surpris aux Commissions et notamment à la Commission du Travail et de l’Échange, nous les retrouvons intensifiés encore à la Commune. Les solutions et résolutions ne seront jamais, ou rarement, à la hauteur de la bonne volonté et des intentions.

La question des loyers avait été assez radicalement réglée dès le 29 mars. Le décret aurait pu être mieux aménagé dans plusieurs de ses dispositions et tenir compte — ce qu’il ne faisait guère — de certaines situations particulières ; tel quel, il se tenait cependant, et comme il avantageait en gros la classe ouvrière, il valut à la Révolution de nombreuses sympathies. En revanche, le décret définitif sur les échéances vint trop tard. Discuté à la Commune vers le 1er avril, il ne parut à l’Officiel que le 16. Ce décret édictait que le remboursement des dettes de toute nature, portant échéance, serait effectué dans les trois années, à partir du 15 juillet 1871, sans intérêt et par trimestre. Un mois et