Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/469

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usité en toute guerre et c’était bien en guerre que Parisiens et Versaillais se trouvaient.

Ce fut ce même soir que se produisit la première exécution d’otages. Raoul Rigault s’était rendu à la prison Sainte-Pélagie et s’était fait livrer Chaudey qui avait mitraillé le peuple sur la Place de l’Hôtel-de-Ville, au 22 Janvier, ainsi que trois autres détenus, gendarmes. Les quatre prisonniers furent fusillés séance tenante dans le Chemin de Ronde. Chaudey mourut très courageusement.

La bataille s’était en somme poursuivie, quoique ralentie, toute la nuit. Elle reprit avec rage au jour levant. L’Hôtel de Ville formait le point de mire des forces versaillaises. Il était cerné déjà de trois côtés. À gauche, le corps Cissey ayant enlevé les barricades du Pont-Neuf s’avançait jusqu’au quai Notre-Dame ; à droite, le corps du général Douay attaquait les barricades de la pointe Saint-Eustache ; au centre, la colonne commandée par Vinoy, remontait la rue de Rivoli et avait dépassé le Louvre. D’une minute à l’autre la maison Commune et tous les services qui y sont centralisés peuvent être enlevés. L’ordre de départ est donné, bien que Delescluze proteste contre cette retraite. On se rabat sur la mairie du XIe. À peine l’édifice a-t-il été abandonné qu’il flambe. De toutes parts les flammes s’élèvent, les pavillons et les voûtes s’écroulent. C’est le gouverneur Pindy qui a mis le feu de sa propre main. Il est 10 heures du matin. Les Versaillais empêchés par les barricades qui hérissent le quartier et seront toutes détendues avec rage, n’arriveront que le lendemain matin au pied du monument en ruines.

L’occupation de l’Hôtel de Ville et des quartiers du centre mettait un terme aux puérils et ridicules pourparlers dans lesquels s’attardait le Comité central avec la Ligue pour la Défense des Droits de Paris, en vue d’un arrangement à proposer à Versailles. Le Comité central conseillait ingénument à l’Assemblée Nationale de se démettre, la Commune en eut fait autant et d’autres corps élus frais nommés et battant neuf auraient présidé à une pacification générale. Ces insanités furent même affichées sur les murs.

La Commune, du moins, ne plongeait pas dans ces folies. Elle avait commis la faute de disperser et de fractionner la défense au lieu d’en centraliser l’effort sous son autorité directrice ; mais elle n’avait cependant pas perdu la tête à ce point de penser que la réaction victorieuse se laisserait frustrer de sa proie. Elle se rendait compte des circonstances et des faits, que l’ennemi serait implacable et que par conséquent il ne restait plus aux Parisiens qu’à disputer leur vie, à la vendre le plus cher possible et à faire à la Révolution, désormais condamnée, des funérailles dignes d’elle.

Tout espoir, en effet, était bien perdu. Chaque heure voyait tomber quelque nouveau quartier aux mains des assaillants. Sur la rive gauche, le Panthéon succombait après la prise des barricades des rues Soufflot et Gay-Lussac intrépidement défendues par une poignée d’hommes qui se faisaient tous tuer sur