Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/64

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elle était bien obligée de tenir son engagement solennel envers la nation et de convoquer un Parlement national ; mais elle y paraîtrait avec le prestige de la victoire et il lui serait aisé de contenir les prétentions du suffrage universel. Cependant au cas où, par un coup imprévu d’habileté, l’Autriche accéderait à la convocation d’un parlement allemand, quelles précautions prendrait M. de Bismarck contre l’idée révolutionnaire. « Le Président du Conseil, écrit M. Benedetti le 10 avril, en est venu à m’avouer qu’il ne saurait prévoir lui-même, en ce moment, le sort qui est réservé à sa proposition. Sera-t-elle agréée par la Diète, ou admise seulement après avoir été mutilée ou travestie ? Si le Parlement doit se réunir, de quels éléments se composera-t-il ? Sera-t-il conservateur ou libéral, réformateur ou révolutionnaire ? Rien ne lui permet encore de pressentir ni les résolutions de la Diète, ni l’esprit dans lequel on procéderait aux élections, si elles devaient avoir lieu.

« Il constate simplement, avec une sorte de satisfaction, que l’opinion nationale, surprise au premier moment et portée à repousser la convocation d’une assemblée offerte par la Prusse, tend à revenir à d’autres dispositions qui pourraient se manifester avec une autorité suffisante pour embarrasser les gouvernements hostiles à la réforme, sinon les contraindre à l’appuyer. Il compte sur cette évolution du sentiment public en Allemagne pour s’opposer à toute résolution qui tendrait à dénaturer la revision du pacte fédéral telle qu’il la conçut, et c’est à cet égard seulement qu’il semble avoir, pour le moment, arrêté sa ligne de conduite. Il est deux points, notamment, sur lesquels il paraît résolu à ne faire aucune concession, et ces deux points sont précisément ceux qui semblent rencontrer à Vienne et dans plusieurs Cours secondaires, la plus vive résistance, je veux parler de la réunion du Parlement à date certaine, et de l’obligation pour les États confédérés de se concerter, durant la période électorale, sur le programme dans les limites duquel l’assemblée devra circonscrire ses délibérations. Telles sont les données essentielles de son plan, auxquelles il n’acceptera, autant que possible, aucune modification importante et il se flatte, si d’autres éventualités plus graves ne viennent à surgir, de pouvoir s’appuyer, dans la lutte qu’il aurait à soutenir, sur le concours du parti libéral intervenant comme il vient de le faire à Carlsruhe, par l’organe des Chambres électives des États secondaires. »

M. de Bismarck ne voulait pas que la Diète, avant de convoquer le Parlement national, délibérât sur le programme, sur l’ordre du jour de celui-ci : car cela aurait permis à la Diète, inspirée par l’Autriche, de traîner les choses en longueur ; et ce que M. de Bismarck voulait, c’était une solution prompte : ou une acceptation qui ferait de la Prusse le guide du mouvement national, ou un refus qui lui permettrait d’engager contre l’Autriche une guerre nationale. Mais, une fois la convocation décidée, et durant la période électorale, les États confédérés s’entendraient sur les limites des pouvoirs de l’Assemblée nouvelle. Il était permis de prévoir que ces États, surtout sous l’impulsion des Chambres