Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/106

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en faut citer quelques-unes, plus marquantes, telles que l’interdiction des enterrements civils après huit heures du matin en hiver et sept heures été ; la suppression des journaux républicains pour la publication d’articles parfois anodins ; l’interdiction des représentations de la Muette de Portici, de Ruy-Blas, de Patrie ; l’obligation imposée aux conseillers municipaux de présenter une carte signée du secrétaire du préfet pour être admis dans l’Hôtel de ville !…

M. Barodet, ancien instituteur, avait eu de graves difficultés avec M. Ducros, relativement aux mandats de paiement des instituteurs laïques auxquels, autorités et congréganistes livraient une lutte de chaque jour. Il manifestait de la volonté, de l’énergie, de l’intelligence ; il avait l’appui du Conseil municipal et de tout le parti républicain. Cette situation ne pouvait se prolonger, d’autant que la population s’irritait et que ses rapports avec toutes les autorités, se tendant, menaçaient de provoquer une crise aiguë.

Ce que cherchait la réaction, depuis longtemps déjà, c’était la suppression de la Mairie centrale qui lui apparaissait comme un danger permanent ; pour cette fin, il fallait procéder à la réorganisation de la municipalité entière un projet avait-il été déposé le 13 février 1873 par le baron Chaurand ; il comportait, en même temps que cette suppression, le sectionnement de la cité. Le 13 du même mois, le Gouvernement en présentait un autre offrant une seule différence notable, le maintien de la Mairie centrale : mais M. de Goulard, homme de la Droite, avait pris le portefeuille de l’intérieur enlevé, malgré sa condescendance, à M. Victor Lefranc qui l’avait si maladroitement, si débilement tenu et, de négociations en transactions, le Gouvernement s’était rallié au projet de la Commission qui fut adopté ; — la Mairie centrale avait vécu ; le 12 avril, M. Barodet avait quitté son poste non sans avoir adressée la population une proclamation simple, mais énergique et fière, dont le préfet s’empressa d’interdire l’affichage.

Mais la discussion de ce projet de loi, qui avait passionné l’opinion, n’avait pas passé sans provoquer un incident grave : la démission du président de l’Assemblée. M. Jules Grévy, dont le fauteuil était depuis longtemps visé par la réaction qui considérait cette conquête comme le plus sûr travail d’approche dirigé contre le chef du pouvoir exécutif. Le motif le plus futile avait fait naître l’incident. M. Le Royer, député du Rhône, tandis qu’il combattait le projet de loi et défendait les intérêts de Lyon, après avoir résumé les arguments sur lesquels M. de Meaux avait échafaudé son rapport, avait prononcé ces simples mots : « Voilà le bagage de la Commission » et il n’en avait pas fallu davantage pour une tempête tellement grotesque et violente que M. Jules Grévy n’avait pu calmer, avait dû lever la séance en annonçant sa démission que le lendemain il adressait à l’Assemblée en une lettre brève et fort sèche. À la vérité, il avait été réélu, mais sa majorité habituelle était diminuée dans les proportions caractéristiques : 349 voix contre 231 à M. Buffet. Il maintint sa démission et après un second scrutin, M. Buffet, un des plus froids