Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/154

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sans fortement inquiéter les partis conservateurs et leurs chefs. Ils ne comptaient guère plus sur la candidature officielle, sur la pression administrative qui ne donnèrent que de déplorables résultats, les électeurs, s’obstinant, dans la plupart des cas, à voter pour les candidats désagréables au gouvernement et à ses agents. De cette série de constatations douloureuses était née la pensée d’adapter le suffrage universel à la situation, c’est-à-dire de restreindre le nombre des électeurs, en modifiant l’âge de la « majorité électorale » ou en modifiant profondément les conditions de domicile, de façon à éliminer la partie la plus active, la plus républicaine du corps électoral, c’est-à-dire la plus jeune et celle que les conditions de travail entraînent fréquemment à changer de domicile, de localité. Devant une grave atteinte au suffrage universel, toutefois, les réacteurs, malgré leur très vif désir, avaient reculé, pouvaient-ils oublier que la loi du 31 mai, sous la seconde République, faite pour les monarchistes, contre les républicains, n’avait bénéficié qu’au parti bonapartiste ; que le programme du Coup d’État de décembre 1851 portait en première ligne l’abrogation de cette loi et le rétablissement intégral du suffrage universel ?

C’est à ce souvenir que fut dû le recul de la majorité de l’Assemblée devant le projet de loi municipale tel qu’il avait été proposé par la Commission spéciale chargée de le préparer et qui fixait à vingt cinq ans l’âge auquel on pourrait être électeur municipal. Et un amendement de M. Oscar de Lafayette ramenant à vingt et un ans l’âge de l’électoral avait été adopté, à une faible majorité de dix voix, il est vrai. Mais il y avait là une indication sérieuse.

Désormais, parmi une foule de causes d’agitations, une surtout allait dominer : la série de mouvements, d’intrigues, de discussions qui allaient marquer la seconde période de l’histoire de la troisième République et devaient aboutir au vote d’une Constitution, bâtarde, incomplète, compliquée, conservatrice, mais qui installait la République comme gouvernement définitif de la France.