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HISTOIRE SOCIALISTE

et s’occupant d’organisation, de propagande. Bruxelles fut choisi comme siège du secrétariat. Malgré les résolutions prises, le désaccord régnant entre les socialistes français devait se mêler au Congrès international, car la question Millerand y était posée d’une façon indirecte, mais inévitable : un socialiste pouvait-il participer au pouvoir avec un gouvernement bourgeois ; le parti socialiste pouvait-il contracter des alliances, même temporaires, avec un parti ou des partis bourgeois ? Après une longue, passionnée discussion à laquelle prirent part Vandervelde, Enrico Ferri, Jaurès, Guesde, le Congrès adopta une proposition du socialiste allemand Kautsky avec une disposition additionnelle du socialiste russe Plekhanoff. La résolution avait un caractère conciliateur, en ce sens que si elle repoussait en principe la participation d’un socialiste au pouvoir dans un cabinet bourgeois, elle l’admettait à titre d’expédient forcé, transitoire, dans certaines circonstances, le parti socialiste restant maître de se prononcer souverainement en pareille matière.

Le Congrès international, comme conclusion à ses travaux, se rendit au mur des fédérés, au Père-Lachaise.

Il fut suivi du Congrès général des socialistes français où les dissensions déjà si accusées se manifestèrent plus intenses que jamais. Nous n’avons pas à retracer ici l’historique de ces mémorables assises ; nous serions contraints d’en présenter un raccourci exagéré qui se traduirait par un rapetissement misérable des débats.

Sans doute la discorde la plus grave y apparût-elle avec ses effets funestes, pour s’y exaspérer au lieu de s’éteindre devant les intérêts pressants du socialisme et les nécessités d’une propagande concertée. Mais ces divisions, pour si profondes et si prolongées qu’elles puissent être, ne peuvent paralyser les progrès de l’Idée qui ne tiennent ni aux écrits ni aux discours, mais qui trouvent leur principal aliment dans les besoins impérieux, les aspirations irrésistibles de la classe qui produit tout, ne possède rien et reste vouée aux pires incertitudes du travail et de la misère.

Le parti socialiste, à travers les obstacles accumulés, malgré des divisions funestes, avait pris une place importante dans l’action politique : à la Chambre, dans les assemblées communales, ses représentants arboraient son programme, formulaient ses revendications ; mais pour lui l’ère des difficultés ne faisait que commencer, laissant aux militants le ferme espoir et la ferme volonté de les surmonter toutes, pour hâter l’avènement de la justice et de l’égalité sociales.

John Labusquière.