Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/44

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ce verdict produisit une sensation profonde ; les conservateurs en furent atterrés ; les républicains avancés, les socialistes en reprirent courage.

Sur 236 envoyés devant les quatorze cours d’assises, 116 furent acquittés, 120 condamnés à différentes peines : 2 aux travaux forcés à perpétuité, 3 à la déportation simple, 6 à la déportation dans une enceinte fortifiée, 7 aux travaux forcés à temps, 20 à la détention, 8 à la réclusion et 70 à l’emprisonnement.

Les Conseils de guerre se montrèrent, de beaucoup, moins indulgents que les Cours d’assises. Comme nous l’avons fait remarquer, c’étaient les vainqueurs qui jugeaient les vaincus ; c’étaient les anciens officiers de l’armée qui soutenait le régime impérial appelés à juger ceux qui avaient renversé le régime, car, il n’est pas douteux que, sans l’intervention énergique de l’élément républicain avancé, socialiste, la Révolution du 4 septembre ne se serait pas accomplie, au moins avec une rapidité telle que toute résistance fut vaine et que le calme ne fut pour ainsi dire pas troublé.

Il est impossible de redire par les détails ce que furent les procès qui se déroulèrent devant les Conseils de guerre ; même d’insister sur les épisodes passionnés qui se produisirent ou sur les discussions qui projetèrent une vive lumière sur le caractère réel de la révolution du 18 Mars, sur les hommes qui avaient assumé l’écrasante responsabilité d’une direction toujours difficile, parfois impuissante.

Ce fut au 3e conseil de Guerre. siégeant dans la salle du Manège, que fut dévolue la mission de juger les membres du Comité central et de la Commune qui avaient été arrêtés et qu’avaient épargnés les exécutions sommaires de Mai. Les débats furent dirigés par le colonel Merlin, dont le rôle devait être d’une partialité inouïe ; il attacha à son nom une célébrité sinistre. Il avait en la personne du commandant Gaveau un collaborateur tout à fait digne de lui, car, supportant peu la contradiction, il ne cessa d’injurier les accusés, de paralyser la défense, parfois, même, de menacer les avocats. Rien ne devait être épargné par lui pour inviter les juges à frapper impitoyablement ― ils y étaient préparés, du reste ― les vaincus que la défaite, les hasards de la fortune capricieuse amenaient devant eux.

À relire les comptes rendus détaillés de ces procès, on évoque la question et la réplique échangées entre le président de la cour martiale et le général Malet, après l’avortement de la prodigieuse conspiration de 1812. Au président qui lui demandait : « Qui donc comptiez vous avoir comme complices, comme partisans », Malet répondit fièrement : « Toute la France…, vous les premiers, si j’avais réussi ! »

Un écrivain fort modéré qui n’a jamais passé pour suspect de sympathie envers le mouvement révolutionnaire, M. Jules Claretie, a tracé du Conseil de guerre un tableau à la fois simple et vivant :

« La salle du Conseil de guerre était vaste, c’était cette salle du Manège,