Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/84

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rent, heureusement, sans déterminer un conflit qui eut été désastreux pour les deux pays.

Quant à la discussion de la loi militaire, elle fit, au cours des séances de la Commission spéciale, apparaître une fois de plus les idées vieillotes du chef du pouvoir exécutif qui ne put que difficilement se résoudre au service obligatoire et personnel, à la réduction du temps de service à cinq ans ; il opinait pour sept à huit ans, quand l’armée allemande venait de faire une démonstration aussi sensationnelle, quand des soldats de métier se prononçaient déjà pour la réduction à trois ans.

Toutefois, la loi fut votée le 27 juillet 1872 : elle proclamait le service obligatoire et personnel ; en fixait ainsi la durée : cinq ans dans l’armée active, quatre ans dans la réserve de l’armée active ; cinq ans dans l’armée territoriale et six ans dans la réserve de la territoriale. Mais la durée du service était loin d’être égale pour tous, chaque classe étant divisée en deux portions égales, toutes deux appartenant à l’armée active, mais une composée des conscrits moins favorisés par le tirage au sort, appelée à rester cinq ans sous les drapeaux, l’autre n’y devant rester qu’une année.

La bourgeoisie française, tout en faisant « la part du feu » en consentant à sacrifier ses enfants sur l’autel de la patrie, ne pouvait se résigner à sacrifier leur avenir. Un ouvrier de l’usine ou du champ, un modeste employé de commerce ou d’administration pouvaient, sans préjudice appréciable pour d’autres que pour eux ou leurs familles, passer cinq ans dans les casernes ou les camps, mais il ne pouvait être toléré qu’il en fut de même de futurs avocats, médecins, patrons ou simplement rentiers. À côté de dispenses traditionnelles en faveur des soutiens de famille, des professeurs, instituteurs liés par l’engagement décennal, fut créé ce que l’on appela le volontariat d’un an, privilège exorbitant aujourd’hui disparu.

Le 29 juin avait été signée, non sans des négociations fort laborieuses, la convention relative à la libération du territoire, le territoire de Belfort restant terre française. Il ne restait plus, après sa ratification par l’Assemblée, qu’à demander au pays et même à l’étranger les 3 milliards 198 millions nécessaires à cette considérable et décisive opération. Le nombre des souscripteurs fut de près d’un million et le capital fut souscrit près de quatorze fois. Pour 3 milliards et demi, 13 milliards 900 millions furent offerts. L’étranger trouva dans cet emprunt l’occasion d’excellents placements et de fructueuses spéculations puisque ce fut lui qui fournit la majeure partie des souscriptions !

Voici en quels termes un historien fort modéré s’exprime au sujet des emprunts imposés par la liquidation de la guerre franco-allemande :

« Que chaque citoyen français ait toujours sous les yeux la somme énorme de la dette qui, sous différentes formes, fut contractée par la France pour les dépenses extraordinaires de la guerre, de 1870 à 1872 :

« Dix milliards cinq cent cinquante millions ! Telle est la charge qui, rien