Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/85

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que du fait des emprunts suite de la guerre de 1870, pèse sur la fortune de la France, sur la liberté de la France, sur l’indépendance de chaque citoyen.

Et, depuis trente ans, cette dette n’est pas allégée, au contraire. La dette de la guerre ne se règle pas. Malgré une richesse croissante, la génération qui a vu ces événements et les générations qui se sont succédées transportent le fardeau, avec le devoir de l’acquittement, à leurs successeurs.

« On fut très fier, en 1871 et 1872, du succès des deux emprunts : on pourrait être plus fier si, après trente ans, ils étaient soldés. »

Sans doute, avec l’historien, faut-il convenir que nul Français ne saurait oublier quels furent les ailleurs responsables de toutes les calamités qui entraînèrent de telles charges, qui, encore, écrasent nos budgets ; bien d’autres s’y sont ajoutées depuis. Mais il importe aussi de bien établir que c’est sur la classe qui produit toute la richesse, qui chaque jour contribue par son labeur à son développement, que retombe indirectement mais sûrement le poids de toutes ces dettes accumulées, de bien établir à qui réellement incombent les véritables responsabilités.

Si la bourgeoisie française, poussée dans son ensemble par un conservatisme aveugle, n’avait pas escamoté la Révolution de 1848, si elle n’avait pas fusillé les travailleurs parisiens en Juin, si elle n’avait pas, par les lois de Mai, mutilé le suffrage universel à peine conquis, si elle n’avait pas désorienté la France, elle n’aurait pas préparé l’empire en favorisant la préparation du Coup d’État de Décembre. C’est elle la vraie coupable. Certainement elle en a souffert ; elle n’en souffre plus ; sa fortune n’a fait que s’augmenter ; jamais elle ne fut plus riche ni plus puissante. Le peuple qui travaille ne doit jamais oublier les fautes de l’Empire ; il ne doit jamais oublier les fautes de la bourgeoisie qui déterminèrent la restauration du régime impérial !


CHAPITRE XIV bis


Inquiétudes causées par la crainte d’une guerre. — Le bilan du vainqueur. — La date du 18 Mars. — Le mouvement socialiste.


La France entière avait été en proie à une émotion profonde, à une angoisse poignante tandis qu’au cours des négociations tendant à anticiper sur les dates prévues pour le règlement de l’indemnité de guerre et l’évacuation du territoire, des menaces s’étaient produites du côté de l’Allemagne et avaient donné des craintes sérieuses de nouvelle conflagration. Ce n’était