Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/99

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dans la main. L’interpellation qui amena ce résultat avait pour motif les nombreuses adresses de félicitations adressées à M. Thiers par des Conseils municipaux réunis hors séance.

En suite du grave débat provoqué par la discussion du Message, sur la proposition du gouvernement, une Commission de trente membres avait été nommée dans les bureaux à l’effet de présenter à l’Assemblée un projet de loi pour régler les attributions des pouvoirs publics et les conditions de la responsabilité ministérielle ; sa grande majorité était monarchiste, c’était dire que la victoire de M. Thiers était plus qu’incertaine : c’était le chef du pouvoir exécutif lui-même qui était directement menacé et des inquiétudes en naquirent pour la République. Il n’en fallut pas davantage pour stimuler l’ardeur des républicains les plus timorés, les plus modérés ; le mouvement dissolutionniste auquel M. Gambetta, par sa campagne oratoire, venait de donner un vif élan, prit une recrudescence extraordinaire. Et les diverses fractions de la Gauche entrèrent en campagne résolument. L’Extrême-Gauche et la Gauche manifestèrent avec une grande ardeur leur adhésion au mouvement ; ce fut le journal Le Siècle, bien modéré, dont le directeur, M. Leblond, député de la Marne était en relations fréquentes avec M. Thiers, qui entreprit l’organisation d’un pétitionnement général ; la formule qu’il avait trouvée fut adoptée par toute la presse républicaine ; elle était brève mais d’une clarté saisissante : « Les citoyens soussignés prient l’Assemblée nationale de vouloir bien prononcer sa dissolution ».

Les pétitions circulèrent dans tout le pays et revinrent couvertes de milliers et de milliers de signatures. Les Droites comprirent le danger et résolurent de frapper un grand coup. Un des leurs, M. Lambert de Sainte-Croix, demanda la mise à l’ordre du jour de ces pétitions et elle fut fixée au 14 décembre. Ce fut M. Gambetta qui ouvrit le feu et prononça un grand discours à tout instant interrompu de la façon la plus violente et peu protégé, parfois même admonesté par le président Grévy, qui se montra d’une partialité dont la Gauche marqua un vif étonnement, M. Gambetta conclut en les termes suivants : « Sachez-le, le suffrage universel saura bien reconnaître les siens, et choisir entre ceux qui auront retardé et ceux qui auront préparé le triomphe définitif de la République. »

On attendait avec une certaine impatience, avec une certaine anxiété, le discours de M. Dufaure ; il devait donner l’avis du gouvernement, c’est-à-dire révéler la pensée de M. Thiers. Or, l’initiative du directeur du Siècle permettait de supposer qu’il ne voyait pas d’un œil défavorable le mouvement pétitionnaire. Ce fut une douloureuse déception ; une fois de plus le pouvoir exécutif « lâchait » le parti républicain pour capituler devant les Droites conservatrices.

En effet, son discours fut le désaveu, le blâme de la campagne dissolutionniste en même temps qu’un violent, haineux réquisitoire contre M. Gam-