Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/10

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même, qui serait sans cesse à la merci ou des aventuriers du dedans en quête de conflits, ou des agresseurs du dehors, et toujours sous la menace ou dans le déchaînement de la guerre. Assurer la paix par une politique évidente de sagesse, de modération et de droiture, par la répudiation définitive des entreprises de force, par l'acceptation loyale et la pratique des moyens juridiques nouveaux qui peuvent résoudre les conflits sans violence ; assurer aussi la paix, vaillamment, par la constitution d'un appareil défensif si formidable que toute pensée d'agression soit découragée chez les plus insolents et les plus rapaces : il n'y a pas de plus haut objet pour le parti socialiste.

Ou plutôt c'est la condition même de son action et de sa vie. Il ne suffit pas qu'il ait cette double et indivisible volonté de paix internationale et d'autonomie nationale. Il faut qu'il persuade le pays tout entier, la démocratie tout entière, de la sincérité et de la force de son dessein : car comment pourrait-il inviter et entraîner la nation à des transformations sociales hardies si elle se croyait menacée par lui dans son existence même ? La France a besoin, pour l'œuvre de justice supérieure que le socialisme lui propose, de toute sa vie, c'est-à-dire de toute sa liberté : et comment faire monter la sève vers les fruits si l'on blesse la racine ? Comment surtout le parti socialiste pourrait-il proposer avec autorité les formes de défense nationale qui lui paraissent les plus efficaces, s'il pouvait être suspect aux yeux d'un seul homme de se désintéresser de la défense nationale elle-même ? Or, c'est par l'action et par l'action seule qu'il dissipera les malentendus créés par l'ignorance ou la perfidie, ou par les paradoxes inséparables des grands mouvements d'idées. Il ne désarmera certes pas la calomnie des charlatans de patriotisme qui couvrent d'un prétexte d'intérêt national les convoitises et les violences de l'esprit de classe ; mais il ralliera peu à peu les bons citoyens qui veulent épargner à la France les convulsions de la guerre et l'humiliation de la servitude.

Ce qui importe au socialisme, c'est donc de traduire en