Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/103

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présent de la Révolution organisée. Ce n'est pas le seul patriotisme des camps, c'est le plein patriotisme de la France nouvelle, le dévouement à la patrie, le dévouement à l'action concentrée de la nation révolutionnaire, qui animait et disciplinait les armées. Les plus nobles des chefs, les plus purs, ne craignaient pas d'appeler sur la vie de l'armée, sur le détail même des promotions, la vigilance soupçonneuse des révolutionnaires. Hoche écrivait à Marat pour lui dénoncer des iniquités et des désordres et il l'embrassait fraternellement. Les généraux, les officiers qu'atteignaient le soupçon n'en étaient pas affectés. Ils savaient, après tant de trahison, que la Révolution avait le droit d'être méfiante. Desaix fut frappé, Hoche fut frappé ; ils n'en gardèrent pas de ressentiment. Ils savaient que les erreurs même procédaient de l'inflexible volonté de sauver la France, et, dans les éclats injustes de la foudre qui s'égarait sur eux, ces grands cœurs reconnaissaient encore l'ardent éclair de la liberté et de la patrie. La vie de l'armée était alors comme la vie d'une grande âme qui a appris au service d'une haute idée à se gouverner elle-même ; c'est la force de la passion qui crée la force de la règle.

Comment, en fait, l'armée fut organisée selon les principes de la démocratie et de la Révolution, je le préciserai en cherchant dans la tradition française des renseignements pour la véritable organisation militaire dont je veux formuler le plan ; je dirai ce que fut l'amalgame, si étrangement dénaturé aujourd'hui par tous ceux, de droite ou de gauche, qui veulent discréditer, à fond ou â demi le principe de la nation armée. Je démontrerai par des textes et des faits irrécusables qu'il ne fut pas institué pour encadrer les bataillons nationaux dans la ligne, mais au contraire pour encadrer la ligne dans les formations nationales et révolutionnaires. Je démontrerai que tout en accueillant avec joie et avec reconnaissance toutes les bonnes volontés qui lui venaient du passé, et en utilisant toutes les forces préexistantes qui consentaient au génie nouveau,