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Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/29

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75 jours ; pour les troupes de santé, les vétérinaires, les troupes de subsistance et du train, de 60 jours.

Quelles que soient les différences politiques, sociales, morales, que l'on prétend relever entre la Suisse et la France, et que nous discuterons, il est impossible de dire que trois mois ou même deux mois peuvent suffire à la formation du soldat suisse et que deux ans sont nécessaires à la formation du soldat français. Si donc la caserne n'était en France que l'école des recrues, si elle n'avait d'autre objet que de former des soldats, elle ne retiendrait les soldats que quelques mois à peine. Et il n'est plus permis, j'imagine, de railler l'armée suisse. Non seulement l'état-major allemand en a proclamé l'excellence. Non seulement M. le général Langlois a jugé utile d'aller en étudier sur place le fonctionnement aux grandes manœuvres, et il a porté sur elle un jugement qui, pour n'être pas sans. mélange, est cependant très favorable. Mais comment nos patriotes professionnels qui, à propos du récent referendum de la Suisse, ont exalté le patriotisme et l'esprit militaire de ce peuple, pourraient-ils maintenant écarter par le dédain l'exemple que nous invoquons ? Les aggravations de charges que la Suisse s'est récemment imposées paraissent inutiles à un grand nombre de ses citoyens : ils prétendent que la nouvelle loi avait beaucoup moins pour objet d'accroître l'efficacité défensive de l'armée contre l'ennemi du dehors que son efficacité offensive contre l'ennemi du dedans, contre une classe ouvrière tous les jours plus nombreuse et plus redoutée. Ce n'est pas le lieu de discuter ces choses, je constate seulement que ces aggravations sont notables, puisque le service à l'école des recrues, qui équivaut à notre service de caserne, a été porté pour l'infanterie de 45 jours à 61, pour la cavalerie de 80 à 90 jours, pour l'artillerie de 5 jours à 75. C'est un accroissement de près d'un tiers. C'est en passionnant le sentiment national, c'est en faisant appel au devoir de sauvegarder dans tous les conflits, par les forces du peuple suisse lui-même, sa libre et fière neutralité,