Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/34

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et d'un seul surjet, s'il faut que les assaillants éparpillent d'abord leurs premiers rangs en tirailleurs qui, disséminés, abrités, pourront prendre eux aussi l'offensive de tir, si ensuite la colonne d'attaque s'avance, mais par bonds successifs et en se couchant et en se dissimulant par intervalles pour laisser passer la rafale et la trombe de fer, en quoi cette manœuvre, faite d'un courage toujours renouvelé et d'une initiative incessante, diverse selon les accidents du sol, selon les variations du feu, selon les vicissitudes de la force morale tour à tour défaillante. ou exaltée, ou hésitante au cœur de l'homme, en quoi donc cette marche inégale et haletante, rythmée par le terrain, le canon, la peur, l'héroïsme, pourrait-elle être réglée par l'automatisme de quelques gestes appris sur le terrain uniforme et bénin de la place d'armes ? Tout ce que l'homme peut apprendre d'avance pour la guerre, qui réserve à tous beaucoup d'inédit, ce n'est pas par des exercices monotones et mécaniques qu'il l'apprendra, mais par de vives manœuvres en terrain varié, qui développeront en lui la rapidité du regard, de la décision et du mouvement. Ces vives manœuvres, il peut les accomplir par intervalles durant toute sa vie vraiment active, sans qu'il soit nécessaire de l'immobiliser pendant deux ans dans la vie souvent stagnante de la caserne.

Au point de vue technique et pour la « formation » du soldat, les deux on trois mois demandés par l'armée suisse, en tous cas les cinq mois employés par l'armée française à l'éducation première des recrues suffisent donc. Je ne peux pas traiter ici à fond la question des cadres, qui st d'une importance vitale et qui fera l'objet d'un chapitre distinct et de dispositions précises. J'indique seulement qu'il est impossible de prétendre que si l'on garde les soldats deux ans, c'est pour permettre, en effet, la formation des cadres. L'exemple de la Suisse montre que le problème peut être résolu autrement ; et il est, en dehors même des dispositions prises par la Suisse, d'autres solutions possibles. Le jour où la France, au lieu de gâcher son effort