Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/35

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dans le service de caserne démesurément prolongé, prendra au sérieux la vie des réserves, c’est-à-dire de la véritable armée active, le jour où elle voudra faire pour l’éducation de ses réserves et pour la constitution de leurs cadres un effort sérieux, elle s’apercevra aisément qu’il n’est pas nécessaire, pour faire l’éducation et la sélection des chefs, d’isoler pendant deux ans, dans un milieu artificiel et inerte, les soldats de la nation.

Ce qui est certain maintenant, c’est que, par le présent régime militaire, les officiers sont mis hors d’état, comme les soldats, de faire l’apprentissage vivant et varié des opérations de guerre. C’est M. le général Langlois qui le constate, dans une étude destinée à montrer le péril de la réduction du service militaire à deux ans, mais qui passe bien à côté du but et qui va bien au delà, puisqu’elle découvre le vice essentiel de tout notre système militaire. Il constate que dans toutes ses inspections, quand il a fait procéder à des manœuvres d’attaque, il a vu se produire des fautes mortelles, qui auraient entraîné à la guerre de véritables hécatombes et qui révélaient l’entière inexpérience des chefs.

Et cela, dit-il, par manque de terrains suffisants et d’exercices fréquents en terrain varié. Le service en campagne de l’infanterie exige, en effet, des espaces étendus qu’on puisse piétiner sans inconvénient, ce qu’on trouve très rarement et seulement à des moments déterminés et courts.

Si, dans une garnison donnée, une troupe avait jusqu’ici la possibilité de manœuvrer une quinzaine de jours par an en terrain varié, rien ne lui permettra d’en avoir davantage à l’avenir. Si, dans ces conditions, le soldat de trois ans pouvait être conduit quarante-cinq fois au dehors, celui de deux ans ne le sera plus que trente fois, et rien ne modifiera cette situation qui dépend de l’état des récoltes, à moins que l’on ne fasse de gros sacrifices pour la création immédiate de camps de manœuvres. L’instruction extérieure ne sera réellement assurée que quand les troupes passeront neuf mois par an dans les camps ; car trois mois suffisent largement pour l’étude de l’ordre serré… Alors, que devient cette instruction intensive en vue de la guerre qui a été présentée au Parlement comme la base même de la loi