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Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/349

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CHAPITRE X

Le ressort moral et social. — L’armée, la patrie et le prolétariat.

I

Les répressions intérieures.

Mais à mesure que nous recherchons de façon plus précise les conditions d’organisation d’une armée vraiment populaire, une question vitale se dresse plus pressante devant nous. Est-ce que le peuple ouvrier et paysan est disposé à assurer le fonctionnement de l’armée ? Tous les mécanismes ne seront rien s’ils ne sont pas animés par l’énergie, par la passion du prolétariat lui-même. Tous les systèmes de recrutement des cadres, si démocratiques ou populaires qu’on les suppose, seront inefficaces si le peuple ouvrier et paysan se désintéresse de cette grande œuvre, s’il ne se préoccupe pas de soumettre le commandement à son influence et de le pénétrer de son esprit, et il ne le pourra que s’il intervient lui-même passionnément dans le fonctionnement de l’organisation militaire. S’il a une attitude hostile, ou même s’il boude et s’abstient, tout changement de forme dans l’institution militaire aboutira, ou à dissoudre la défense nationale et à livrer la France à toutes les surprises du dehors, ou à reconstituer une oligarchie armée, d’autant plus dangereuse qu’une apparence d’organisation démocratique couvrira la puissance persistante et le privilège de fait des classes possédantes, seules maîtresses, par l’inepte indifférence du peuple, de l’appareil de combat et de répression.

Mais pourquoi le prolétariat n’assumerait-il pas, de son point de vue à lui, dans son esprit à lui, et selon la mesure