Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de volonté, aucune surveillance, si impérieuse soit-elle, ne pourra réagir à la longue contre l'action incessante, continue, innombrable, de ces forces de relâchement, de dissolution et de dispersion. C'est en vain qu'ils comptent que les hommes versés dans les services auxiliaires remplaceront les « embusqués » et que dès lors l'armée combattante, n'étant plus détournée de son objet, aura une action plus vigoureuse et pour ainsi dire une plus grande tonicité des fibres.

D'abord, il est bien des emplois, comme ceux des ouvriers dans les établissements d'artillerie de l'État, qui exigent une grande vigueur physique ; et la main-d'œuvre militaire, si elle peut être remplacée par la main-d'œuvre civile, ne peut pas l'être par une main-d'œuvre débile. Or, le remplacement de la main-d'œuvre militaire par la main-d'œuvre civile exigerait d'assez hauts crédits ; et comment ces crédits pourront-ils être accordés tant que tout l'effort ou presque tout l'effort budgétaire sera absorbé par le service de caserne ? Ainsi bien des exemples subsisteront d'un détournement de la force militaire, et ces exemples tendront à s'élargir presque invinciblement. Si peu qu'il soit plus commode aux chefs de tout ordre et de tout grade de recourir, pour des besognes diverses, à tel homme actif et avisé, qu'à des auxiliaires plus ou moins débiles, ils ne résisteront pas la tentation, n'étant pas réfrénés par les exigences pressantes d'une éducation militaire à achever dans un temps assez court. Les terrains trop vastes incitent â la jachère et les plantes parasites y foisonnent naturellement. Déjà, d'ailleurs, l'expérience avertit les plus optimistes de la facilité que ces sortes d'abus trouvent dans un système trop lâche et une vie militaire trop diluée. Il est vrai, comme le constate M. Messimy dans la partie de son rapport où il analyse les premiers effets du fonctionnement de la loi de deux ans, qu'un effort a été fait pour emprunter plus largement aux services auxiliaires et un peu moins au service les hommes affectés à des emplois annexes.