Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/42

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un mal très grave qu'ils dénoncent, puisque l'armée active est envahie d'innombrables besognes qui n'ont rien à voir avec l'éducation militaire, et puisque la vertu militaire de la réserve, c'est-à-dire de l'immense armée de défense, est doublement amoindrie par le défaut d'exercice sérieux et par le dégoût. Oui, c'est un vice profond qu'ils signalent ; mais je leur en demande bien pardon ; ils ne concluent pas. Quel remède proposent-ils ? Sans doute c'est avant la mise en œuvre de la loi de deux ans qu'ils parlaient ainsi : mais en quoi cette loi peut-elle guérir le mal qu'ils ont dénoncé ? Ils espèrent, je crois, qu'en resserrant de trois ans à deux l'espace qui était donné à l'armée, ils ont obligé celle-ci à condenser son action et dès lors, si, au lieu d'éparpiller et d'amoindrir son activité dans les emplois sans nombre où se glissaient les cent cinquante mille « embusqués », l'armée de caserne est contrainte de s'appliquer plus énergiquement et exclusivement à l'apprentissage militaire, les classes de réserve qui entrent en communication avec l'active, au lieu d'être amoindries par leur liaison à une masse presque inerte, seront entraînées par une masse en mouvement. Ce calcul serait faux, car l'effectif est resté à peu près le même par la réduction, à un service uniforme de deux ans, du service de trois ans et du service d'un an ; le nombre total des jours de service est resté aussi le même, sensiblement. En moyenne, donc, les forces de l'armée active ne sont pas comprimées dans un espace de temps plus étroit, et le même jeu est laissé à toutes les besognes de diversion, à tous les gaspillages ; les mêmes fissures sont ouvertes pour les mêmes fuites de vapeur. Le fait dominant demeure : c'est que, théoriquement, l'éducation du soldat doit être terminée en cinq mois pour qu'au printemps les deux classes, la cadette comme l'aînée, puissent, s'il le faut, entrer en campagne ; que, pratiquement, elle est achevée en effet, et que cependant il y a deux années à remplir. Dans ce vide, une détente et une dissipation des forces se produisent inévitablement en vertu presque d'une loi physique. Aucun effort