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Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/56

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avec douleur de ceux qu'ils aiment, cette douleur se convertira en colère contre l'agresseur, elle ajoutera â l'impétuosité irritée de la défense nationale. Ce sera à la patrie, défendue par tous, d'assurer la vie des familles qui auront perdu leur chef dans le combat. Quiconque veut pouvoir faire appel d'emblée aux masses profondes des réserves s'oblige â une politique de droiture et de paix. Il y aurait folie à compter sur toute la nation si elle n'était pas persuadée tout entière de la nécessité du combat qu'elle livre, de la justice de la cause qu'elle sert. Il ne doit y avoir rien de mauvais, rien d'obscur et de douteux dans la politique d'un gouvernement qui s'adresse à la nation tout entière et la jette tout entière dans le combat.

La moindre résistance secrète, le moindre doute caché en un repli du cœur, paralyseraient tout cet immense organisme. Ces masses, pour ne pas se dissoudre en cohues ou s'alanguir en je ne sais quoi de traînant et d'inarticulé, ont besoin non seulement d'une forte organisation, mais d'une puissante unité d'âme.

La nation armée signifie nécessairement la nation juste. Les gouvernements qui renoncent à l'emploi immédiat de toutes leurs réserves avouent par là même des arrière-pensées de violence inique et des desseins suspects. L'Allemagne impériale et militariste est logique lorsqu'elle met de plus en plus sa confiance et le centre de gravité de sa force militaire dans son armée active de caserne, quand elle tend à réduire de plus en plus, dans les premiers événements de guerre qu'elle imagine décisifs, le rôle des réserves, c'est-à-dire de la nation.

Elle se dispense par là de compter avec le sentiment national, avec un commencement de démocratie, avec un commencement de socialisme. M. le général Langlois est logique, détestablement logique lorsque, dans une même étude, il proclame à la fois que la France doit reprendre non seulement une tactique offensive, mais une politique agressive et qu'elle doit compter surtout sur des formations militaires où l'active dominera.