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Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/98

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un moment, avait été toute leur vie. Cette force de l'idée n'exaltait pas seulement les âmes au suprême sacrifice ; mais, par un effet plus difficile et plus profond, elle réglait les volontés, organisait les institutions et créait une discipline.

II

L'organisation, la discipline, voilà les chefs-d'œuvre de l'idée révolutionnaire. Quelle pitié de voir méconnaître la puissance organisatrice de l'idée, et quel péril pour l'avenir dans cette méprise souvent volontaire sur le passé ! Que les officiers, que Gilbert sollicite à réfléchir sans cesse, y prennent garde. Qu'ils ne se laissent pas fasciner et absorber par l'étude exclusive de l'organisation et de la méthode napoléoniennes. Qu'ils fouillent les archives, comme Gilbert le leur conseille, pour surprendre jusque dans le détail le secret authentique de la pensée et de l'action du grand meneur d'égoïsmes, du grand administrateur et du grand manœuvrier. C'est excellent, mais qu'ils appliquent à l'œuvre militaire de la Révolution la même étude minutieuse et profonde. Les légendes naïves et fades des amis mal informés de la Révolution ont fait le jeu des pauvres légendes contre-révolutionnaires. Parce que l'institution militaire de la Révolution n'a pas trouvé dès les premiers jours sa forme et son équilibre, parce que la discipline nouvelle n'a pas surgi d'emblée, et toute faite, du chaos où sombrait la discipline ancienne, parce qu'il y a eu, dans la période de formation, des défaillances, des désordres, des incertitudes, la contre-révolution triomphe, et elle assure que la Révolution a été sauvée de l'anarchie militaire et de l'impuissance, non par la force organisatrice de son idée propre, mais par la survivance des cadres de l'armée d'ancien régime. Les volontaires ne furent, paraît-il qu'une cohue, et si l'amalgame de Dubois-Crancé créa enfin une armée ou un commencement d'armée, c'est parce qu'en effet il y a eu amalgame et que les bataillons de ligne, hérités de la monarchie, organisèrent et encadrèrent