Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/118

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C’est puéril, car c’est ce qui se pratique toujours quand on fait la photographie d’un document déchiré. Et cela ne pouvait tromper personne, puisque c’est l’original seul qui fait foi, et que l’original portait forcément toujours les traces de déchirure.

Le colonel Picquart prenait là simplement une précaution très sage. Comme il y avait eu, à propos du procès Dreyfus des indiscrétions et des bavardages sur le bordereau, comme on savait dans les bureaux de la guerre qu’il était parvenu déchiré, si la photographie de la carte-télégramme avait, elle aussi, révélé des déchirures, son origine aurait été aisément devinée et le secret nécessaire à l’enquête eut été compromis.

Bien mieux, le colonel Picquart n’avait aucun intérêt, pour établir l’authenticité de la pièce, à faire disparaître les traces de déchirure : car ces déchirures au contraire, pareilles à celles du bordereau et s’expliquant par l’identité de provenance, ajoutaient à l’authenticité de la carte-lettre.

Et qu’on n’oublie pas que, pour les fac-similés du bordereau, l’Etat-Major avait fait disparaître la trace des déchirures ; le colonel Picquart ne faisait que se conformer à l’usage même des bureaux de la guerre.

Il faut à ceux-ci une singulière mauvaise foi et un désir bien violent de sauver à tout prix Esterhazy, pour oser le lui reprocher.

Le second grief est aussi puéril, et le colonel Picquart s’en est expliqué dans sa déposition avec une simplicité d’accent, une clarté et une sincérité décisive :

(Procès Zola, tome I, page 298) : On m’a reproché ensuite d’avoir voulu faire dire que la carte-télégramme était d’une personne déterminée. Le fait s’est passé d’une façon bien simple : j’examinais ce document avec le capitaine Lauth, et le capitaine me dit : « Mais ce document n’a aucun signe d’authenticité ; il faudrait qu’il eût une date, un cachet de poste. »

Là-dessus, je lui dis : « Mais vous pourriez bien témoigner