Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/119

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vous, d’où il vient, vous savez bien de quelle écriture il est. » Il me répondit : « Ah ! non, jamais. Je ne connais pas cette écriture. »

Remarquez que la chose s’est passée exactement comme cela, qu’il n’y a pas eu un mot de plus ou de moins, et je crois que la déposition du commandant Lauth n’a pas dû être différente de la mienne à cet égard. Cet officier n’a attaché au moment même aucun caractère douteux à ma question. La preuve, c’est que nous sommes restés dans les meilleurs termes ; la preuve, c’est qu’il m’a reçu ensuite à sa table, chose qui ne se fait pas d’habitude entre un inférieur et un supérieur ; en un mot, nous étions restés dans les meilleurs termes.

Or, si j’avais voulu le suborner, lui imposer une opinion qui n’était pas la sienne, j’aurais commis une action qui ne m’eut pas permis de rester en relations de camaraderie avec lui.

Plus tard, lorsque cette carte-télégramme m’a conduit au bordereau Dreyfus, les choses se sont gâtées ; on a ramassé tous ces petits faits, et on s’en est servi contre moi en les dénaturant.

Du reste, il y a une chose qui montre très bien comment on peut se servir des faits les plus petits, les plus simples, quand on veut perdre quelqu’un : … il y a une autre chose qui m’a été reprochée, bien qu’elle ne soit pas mentionnée au rapport Ravary, c’est d’avoir voulu faire mettre le cachet de la poste sur le petit bleu.

Jamais de la vie, je n’ai eu une intention pareille ; d’ailleurs, je crois que la chose est encore de la même espèce que cette affaire de subornation.

Dans la déposition écrite du commandant Lauth, qui m’est assez présente à la mémoire, cet officier affirme m’avoir dit en parlant du petit bleu : « Cette pièce n’a aucun caractère d’authenticité, il faudrait une date ou le cachet de la poste ». Il est probable que ce mot a été répété, dénaturé, et qu’on est parti de là pour dire que j’avais voulu faire apposer le cachet de la poste.


IV

On peut ajouter que le cachet de la poste n’aurait en rien garanti l’authenticité. Il est toujours facile à l’autorité militaire, si elle fabrique un document, de le jeter à