Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/139

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L’officier n’était pas nommé, mais Esterhazy comprit, et, pour amortir un peu le coup, il répondit dès le lendemain 15 dans la Libre Parole.


II

Comment avait-il su qu’il s’agissait de lui ? Il n’y a que deux explications. Ou bien, se sachant en effet coupable, il n’avait pas besoin d’attendre qu’on le nommât ; ou bien, il avait été averti dès longtemps par ses amis de l’État-Major, en particulier par du Paty de Clam, que c’était contre lui que le colonel Picquart avait recueilli des preuves.

Ou plutôt les deux explications sont vraies à la fois.

Quoi qu’il en soit, il n’attend pas la dénonciation publique de Mathieu Dreyfus, qui ne se produit que le 16. Et dès le 15, il se défend. Voici comment il explique le plan d’attaque de ses ennemis :


Le Complot.

Malgré l’active surveillance du ministère des colonies, Dreyfus n’a jamais cessé de correspondre occultement avec la France, Nous n’insistons pas sur ce qu’il a pu faire à l’époque où il avait pour geôlier cet étrange commandant dont parlait l’Intransigeant, qui passait son temps à se documenter et qui s’est si bien documenté toute sa vie, qu’on n’a pas osé le destituer malgré sa conduite extraordinaire.

Ce qui est certain, c’est que pendant cette entrevue entre Dreyfus et sa famille, qu’on eut la stupidité de tolérer, il imagina un système de correspondance occulte dont le seul défaut était d’être très lent. Néanmoins, à la fin de 1895, il avait réussi à donner tous les détails nécessaires à l’exécution de la machination dont il espérait d’être réhabilité.

Dreyfus, en effet, s’était alors décidé à révéler le procédé employé par lui, dans ses correspondances avec l’étranger, pour se protéger contre une surprise.