Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/140

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Voici ce procédé :

Il écrivait ses correspondances sur un papier transparent, de manière à décalquer telle ou telle écriture ressemblant à la sienne. Il se couvrait ainsi, il est facile de le comprendre, contre tous les événements.

On conçoit donc l’attitude des experts au moment du procès ; les uns se sont prononcés nettement et ont reconnu la main de Dreyfus ; les autres, moins habitués aux trucs des calqueurs, ont hésité.

Néanmoins, la main de Dreyfus, si habile qu’elle ait été, s’est trahie manifestement sur plusieurs points ; quelques-uns figurent dans une brochure récemment vendue sur les boulevards.

Un hasard dont on a retrouvé la trace fit découvrir à Dreyfus une écriture ayant avec la sienne des similitudes assez sensibles. Cette écriture appartenait à une personne que Dreyfus ne connaissait pas personnellement.

Il était indispensable de se procurer habilement des échantillons d’écriture assez volumineux pour pouvoir y calquer des syllabes et même des mots entiers, dans des conditions particulières. Par une manœuvre dont on connaît tous les détails dont le gouvernement est instruit et qu’on divulguera en temps et lieu, pour la confusion des défenseurs du traître, il réussit, en février 1894, à se procurer une notice de six pages environ de cette écriture renfermant un nombre notable de termes reproduits précisément dans le bordereau.

Désormais, il pouvait opérer à son aise. Il était assuré, croyait-il, de l’impunité ; il avait un répondant sur lequel il comptait bien, le cas échéant, égarer les soupçons.

L’événement ne réalisa pas ses espérances. Par suite de circonstances restées jusqu’ici incomplètement expliquées et qui tiennent sans doute à ce qu’il ne connaissait pas personnellement son répondant, Dreyfus ne réussit pas à le mettre en cause au moment du procès.

Ce n’est que plus tard qu’il se décida à donner le nom de ce répondant pour en faire la victime à lui substituer, plus tard encore qu’il y ajouta les indications nécessaires.


Et l’article raconte ensuite que, pour aider Dreyfus dans cette œuvre de réhabilitation frauduleuse, un officier des bureaux de la guerre (c’est une allusion au colonel