Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/167

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tion aucune, se retrouvent les mêmes particularités d’écriture, les mêmes traits caractéristiques, la même forme des lettres, les mêmes détails.

Et en disant qu’une partie du bordereau est d’une écriture courante, M. Belhomme a définitivement perdu Esterhazy.

S’il avait dit que tout le bordereau est le résultat d’un décalque, on pourrait supposer à la rigueur qu’un autre qu’Esterhazy a fait ce décalque. Mais s’il y a une partie d’écriture naturelle et courante, comme elle ressemble manifestement à la partie dite calquée qu’on avoue être d’Esterhazy, c’est que le tout est d’Esterhazy.

Et si M. Belhomme daigne sortir un moment de la graphologie, je me permets de lui soumettre encore une objection d’un autre ordre, finement indiquée par M. Louis Havet dans sa déposition en cour d’assises.

L’homme qui envoyait le bordereau ne signait pas : quelle était donc sa signature ? A quoi la reconnaissait-on ? A son écriture.

Des documents ou des offres de documents arrivaient sans doute de plusieurs côtés à la légation allemande. Comment un traître déterminé aurait-il pu indiquer que c’était lui qui faisait l’envoi si, supprimant sa signature, il avait en outre déguisé son écriture ?

Ni Esterhazy, ni les experts qui ont adopté le système d’Esterhazy, c’est-à-dire le système de décalque, n’ont répondu à cette difficulté. Il était impossible de faire plusieurs lettres d’envoi avec les mêmes morceaux d’écriture, car il ne contiennent pas toutes les combinaisons nécessaires.

Or, Esterhazy explique à grand’peine, par son roman du capitaine Brault, qu’on se soit procuré de son écriture pour l’envoi d’un bordereau ; il est donc impossible qu’on en ait envoyé plusieurs.

Dès lors, il aurait fallu que le traître changeât, à chaque envoi nouveau d’un bordereau, l’écriture calquée