Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/175

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pas que même avec une hypothèse compliquée on puisse arriver à le démontrer : mais enfin je ne puis pas discuter ce que je ne connais pas…

Je dis que la question de l’identité de l’écriture du bordereau et de celle d’Esterhazy se présente dans des conditions d’une telle simplicité, d’une telle évidence, qu’il suffit d’avoir l’habitude de l’observation, l’habitude de la critique, pour arriver à la conclusion que j’ai formulée, sauf réserve.

Me Labori. ― M. Paul Meyer nous a bien dit, si j’ai compris, que toutes les hypothèses auxquelles il s’était livré pour arriver à comprendre que tout en étant de l’écriture d’Esterhazy, le bordereau ne fût pas de sa main, lui avaient paru impossibles ? Ai-je bien compris ?

M. P. Meyer. ― Parfaitement.

Me Labori. ― Alors, il n’en voit aucune qui puisse être une certitude et qui puisse expliquer cette contradiction.

M. P. Meyer. ― Je n’en vois aucune ; mais les experts du second procès ont peut-être trouvé quelque chose qui m’a échappé.

Malheureusement, les experts du second procès se gardent bien de répondre au défi ironique de M. Meyer, en faisant connaître leur système.

II

Voici maintenant, dans ses grands traits, la déposition de M. Molinier :

Messieurs les jurés, il y a déjà vingt-cinq ans que je vis au milieu des manuscrits : il m’est passé entre les mains des milliers de Chartes, pièces de toute époque, depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours.

À la suite de cette étude très prolongée, qui a porté sur des milliers de manuscrits, je le répète, j’ai fini par contracter une méthode toute particulière d’observation ; j’ai pour ainsi dire contracté un tact spécial, si bien que par des signes presque imperceptibles pour d’autres, j’arrive à reconnaître l’identité des écritures ou à dater exactement des manuscrits.