Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/199

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de près le problème, et vérifié minutieusement toutes les pièces de son système.

MAUVAISE FOI
I

De même, quand M. Cavaignac nous dit qu’il ne parlera pas des pièces secrètes, qui ne contiennent que « des présomptions concordantes », M. Cavaignac est d’un vague très inquiétant. Il aurait pu, semble-t-il, résumer à grands traits les présomptions qui, dans la correspondance, convergent contre Dreyfus.

Mais surtout, il y a une question grave, décisive même, que M. Cavaignac ne semble même pas s’être posée.

Avant le procès Dreyfus, avant la découverte du bordereau, les bureaux de la guerre avaient l’essentiel de ce qui, selon M. Cavaignac, condamne Dreyfus. Ils n’avaient pas le bordereau, mais M. Cavaignac n’invoque plus le bordereau. Et ils avaient toutes les lettres dont se dégagent contre Dreyfus des « présomptions concordantes ». Ils avaient dès mars et avril, c’est-à-dire six mois avant le procès, les lettres avec l’initiale D… Comment se fait-il que pas un jour, pas une minute, ils n’aient songé à faire à Dreyfus application de ces lettres ? Pas une minute il n’a été suspect ! Pas une minute on n’a songé à ouvrir contre lui une enquête secrète ! Pas une minute on n’a songé à le fairesurveiller !

Quoi ! Vous saisissez par centaines les lettres des attachés étrangers : dans ces lettres il y a des indications qui, selon vous, pèsent sur l’esprit, contre Dreyfus, d’une façon décisive. Parmi ces lettres vous en recevez deux qui attestent qu’un nommé D… va chez M. de Schwarzkoppen et chez M. Panizzardi, qu’il est allé au moins trois fois en mars et avril à leur domicile, qu’il leur