Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/220

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Mais enfin, que dit-il ? Ici encore va apparaître l’exiguïté de sa méthode, le vice essentiel de son esprit étroit. Jamais, en aucune question, en aucun débat, il ne prend le problème d’ensemble : jamais il n’en saisit et n’en compare les éléments multiples. Il réduit toujours la question à un fait menu et aigu, qui, un moment, peut troubler l’adversaire, comme une arête arrêtée au gosier, mais qui, séparé de l’ensemble des faits, n’a ni valeur ni vérité.

C’est ainsi, pour ne pas rappeler ses autres interventions parlementaires qui ont toujours je ne sais quoi d’étriqué, de pointu et d’oblique, que dans la question des prétendus aveux de Dreyfus il a négligé l’ensemble, la longue protestation continue du malheureux condamné par erreur.

Dans ce long cri d’innocence qui emplit quatre années, il n’a retenu qu’un journée, celle de la dégradation ; dans cette journée même, où le cri d’innocence vibre infatigable et désespéré, il ne retient que la prétendue conversation avec Lebrun-Renaud ; et dans cette conversation une phrase, et dans cette phrase même il néglige, il ignore la première partie : « Le ministre sait… » qui, en rattachant cette parole de Dreyfus à son entrevue avec du Paty de Clam, donnait le vrai sens des prétendus aveux.

Par cette fausse et insidieuse précision, il s’est rendu incapable de vérité.

Et ainsi encore, dans cette question d’authenticité, il néglige tout ce qui, dans le style, dans le texte, dans la date, atteste le faux pour les plus aveugles et le crie pour les plus sourds. Et il ne retient qu’une chose : c’est que la lettre en question est écrite au crayon bleu, comme une autre lettre du même personnage qu’on a depuis quatre ans.

Il faut citer une fois de plus les paroles textuelles de M. Cavaignac pour qu’on puisse savoir à quel degré de sottise peuvent tomber les hommes publics :