Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/27

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Ils n’ont même pas pensé à la question de droit qui domine tout.

Peu importe : ce qui demeure c’est que M. Cavaignac s’est tu sur la légalité du procès, et après le silence significatif de M. Méline, après le silence significatif de M. le général Mercier, le silence de M. Cavaignac est aussi un aveu, l’aveu suprême.


VI

Il ne reste donc plus qu’une ressource à ceux qui veulent maintenir à tout prix ce qu’ils appellent « la chose jugée », même quand elle a été jugée contre la loi et le droit. Ils peuvent dire, comme l’a dit M. Alphonse Hubert : « Soit, la loi a peut-être été violée, les garanties légales ont été refusées à l’accusé Dreyfus ; mais jamais on n’en pourra avoir la preuve certaine, juridique. C’est à huis clos que jugeaient les juges : nul n’a le droit de savoir ce qu’ils ont fait. Nul n’a le droit de le leur demander ; et, en tout cas, il dépend d’eux de ne pas répondre. »

Ainsi, voilà où en sont réduits les avocats de l’État-Major. Il se peut qu’un crime ait été commis contre un accusé, contre un homme. Mais comme ce crime a été commis à huis clos, comme il n’y a aucun moyen légal de le rechercher, cela ne compte pas.

Je ne connais pas de théorie plus absurde à la fois et plus révoltante. D’abord, elle est fausse. Le jour où un gouvernement honnête et ferme le voudra, il connaîtra, et dans les formes juridiques, la vérité. Il n’aura qu’à interroger le général Mercier : « Avez vous oui ou non communiqué aux juges, en dehors des débats, certains documents ? »

Il n’aura qu’à le demander aux juges eux mêmes. Ceux-ci à coup sûr, libres enfin de parler, ne se réfugieront pas dans l’obscurité où les veut tenir M. Alphonse Humbert. Ils ne se cacheront pas, comme d’un crime,