Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais qui souffrons cruellement de toute diminution de la France, nous ne pardonnerons jamais aux imbéciles de haut grade, qu’ils s’appellent Boisdeffre ou Rochefort, qui, en accueillant et propageant de pareilles inepties, font de notre gouvernement et de notre peuple la risée du monde.

Enfin comprenne qui pourra le calcul prêté par l’Intransigeant à Dreyfus :

Celui-ci a peur, étant juif, de ne pas arriver en France aux plus hauts grades, et il songe à aller servir en Allemagne où jamais les juifs n’arrivent aux grades élevés.

Et comment aurait-il pu penser, étant un traître authentique, qu’il serait accueilli dans l’armée allemande ?

Quel est le pays qui donnerait à un espion étranger l’uniforme de ses officiers ?

Enfin, quelle eût été, en Alsace même, la vie de Dreyfus revêtu de l’uniforme prussien ? Il y aurait été écrasé par le mépris de tous, surtout par le mépris de sa propre famille, qui depuis l’annexion envoie tous ses fils servir sous le drapeau de la France.

Et au bout du compte, à quoi se résigne Dreyfus ? Lui qui craint de ne pas monter assez vite dans l’armée française, le voilà qui y reste, mais en acceptant le rôle aussi dangereux que vil d’espion et de traître.

Il est vrai qu’il aura une compensation. Le jour où éclatera la guerre entre la France et l’Allemagne, il désertera, aux prix de mille dangers, et il retrouvera dans l’armée allemande le même grade que dans l’armée française.

Voilà les absurdités que les nationalistes ont osé proposer à la crédulité du pays, à l’imagination surchauffée du peuple.

Quand donc viendra le châtiment pour tous ces hommes ? Quand donc le peuple, qu’ils méprisent au point de lui raconter de telles inepties, leur signifiera-t-il rudement qu’il ne veut plus être dupe ?

J’ajoute qu’il y a une contradiction grossière entre