son rôle jusque dans le secret de sa prison, si, dans la secousse de l’exécution comme dans la détente de la solitude, son masque n’a pas bougé, il a fallu à cet homme une puissance de calcul et de sang-froid, une audace et une constance de cynisme incomparables.
Comment alors eût-il inauguré par un aveu cette journée d’exécution publique pour laquelle il avait évidemment combiné toutes ses ressources d’hypocrisie et ramassé toutes ses énergies de mensonge ?
Comment surtout, apres cette fêlure par où son secret s’était échappé, sa protestation a-t-elle résonné d’un accent si net et si fort ?
Mais enfin cette phrase de prétendu aveu, contredite si violemment par toute l’attitude publique, par toutes les lettres et toutes les paroles certaines de Dreyfus, comment a-t-elle été recueillie et que dit-elle ?
LES ÉQUIVOQUES DE CAVAIGNAC
I
C’est M. Cavaignac qui, le premier, a donné quelque autorité au propos du capitaine Lebrun-Renaud en le portant à la tribune de la Chambre.
Le 13 janvier 1898, dans une interpellation soulevée par M. de Mun, M. Cavaignac disait : « Lorsque la dégradation d’Alfred Dreyfus a eu lieu, un officier assistait à la parade. Cet officier a recueilli de la bouche de Dreyfus cette parole : “Si j’ai livré des documents sans importance à une puissance étrangère, c’était dans l’espoir de m’en procurer d’autres.” Cet officier, frappé de cette parole, est venu la rapporter à M. le ministre de la guerre qui l’a lui-même transmise à ceux auxquels