Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/56

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il devait la transmettre. Il reste de cette parole un témoignage contemporain écrit. »

Ici, qu’il l’ait voulu ou non, M. Cavaignac est étrangement équivoque. En entendant ces paroles ou en les lisant, on comprenait naturellement que le rapport du capitaine Lebrun-Renaud au ministère de la guerre était un rapport écrit, et que c’était là le témoignage contemporain.

Pas du tout. M. Cavaignac, hâtivement renseigné par ses amis de l’État-Major, avait risqué une affirmation inexacte et il est au moins étrange que l’homme qui appuie toute sa conviction sur le « témoignage » de Lebrun-Renaud soit, dès le début, coupable, en ce point d’étourderie ou d’équivoque.

Lui-même, quelques jours après, sous prétexte de préciser son affirmation, la rectifiait. Dans une interpellation déposée par lui-même, M. Cavaignac dit ceci à la séance du 22 janvier :

J’ai demandé il y a quelques jours à interpeller le gouvernement sur la note de l’agence Havas, afin de préciser les affirmations que j’avais apportées à la tribune… Sur le premier point, j’affirme que, d’après les déclarations du capitaine Lebrun-Renaud, Dreyfus a laissé échapper une phrase commençant par ces mots : « Si j’ai livré des documents, etc… » J’affirme que ces déclarations sont attestées : 1o Par une lettre du 6 janvier 1895 adressée par le général Gonse à son chef, momentanément absent ; 2o Par une attestation signée plus tard par le capitaine Lebrun-Renaud et dans laquelle il affirmait, sous la foi de sa signature, la déclaration qu’il avait faite. J’ai demandé au gouvernement de publier ce document, afin que les hommes de bonne volonté qui cherchent impartialement la vérité puissent y trouver des éléments de conviction.

Ainsi, le 13 janvier, M. Cavaignac nous apprend que le capitaine Lebrun-Renaud est tellement frappé, le jour de la dégradation, des aveux de Dreyfus, qu’il en fait l’objet d’un rapport au ministre de la guerre ; et il est