Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/70

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a négligé d’avertir son bon ami et disciple Cavaignac.

Mais patience ! Toutes ces habiletés et tous ces mensonges ne prévaudront pas éternellement.

Est-il besoin maintenant, après avoir constaté comment le propos de Dreyfus avait été déformé par un intermédiaire, Lebrun-Renaud, de discuter la valeur d’un autre propos que, d’après le capitaine Anthoine, Dreyfus aurait tenu devant le capitaine Attel, mort aujourd’hui ?

Ce propos, d’ailleurs niais, n’est que l’écho d’un écho, l’ombre d’une ombre. J’observe seulement qu’il est absurde de penser que Dreyfus, aussitôt après la dégradation, c’est-à-dire au moment même où il venait d’exalter toute son énergie à crier son innocence au monde, soit tombé tout à coup à regretter qu’on ne lui ait pas permis de continuer le métier d’amorceur.

Ce n’est là évidement qu’une autre variante, plus grossière et plus déformée, du propos tenu devant Lebrun-Renaud. Et, matériellement, il est impossible qu’« après la dégradation », Dreyfus ait pu s’entretenir avec les officiers. Au récit unanime des journaux, il a été, aussitôt après la parade d’exécution, mis en voiture cellulaire et emporté à la prison. Epuisé, il s’est enfermé dans un silence de désespoir, et il ne l’a rompu que pour protester une fois de plus au seuil de la prison, qu’il était pleinement innocent.


CERTITUDE

Donc sur les prétendus aveux la lumière est faite. C’est une détestable légende à laquelle a donné naissance la déviation en apparence légère d’un propos réel.

Bien loin d’avoir avoué au capitaine Lebrun-Renaud, Dreyfus, là aussi, comme dans l’enquéte, comme dans la prison préventive, comme dans le huis clos du procés,