Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/69

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cela ; je n’ai commis ni trahison ni amorçages : je suis pleinement innocent. » Voilà, quand on compare les textes cités par M. Cavaignac, avec l’entrevue de du Paty de Clam et de Dreyfus, voilà le sens évident des paroles de Dreyfus, voilà la marche certaine de sa conversation et il a suffi que le capitaine Lebrun-Renaud, qui avoue lui-même n’avoir perçu qu’un demi-aveu, se méprît sur la portée logique d’une phrase ; il suffit qu’il ait compris ou entendu : « Le ministre sait » au lieu de : « le ministre croit », pour qu’on ait relevé contre Dreyfus, comme un commencement d’aveu, ce qui était une partie de sa démonstration d’innocence.

Quelle sottise et quelle pitié I Et combien est lourde la responsabilité de M. Cavaignac, qui n’a même pas pris la peine de rapprocher les textes avant de conclure !

Comme le réveil de sa conscience sera terrible, si toutefois elle est encore susceptible de réveil !


II

Non, Dreyfus n’a pas avoué au capitaine Lebrun-Renaud. Au contraire, à lui comme aux autres, il a affirmé son innocence ; et pour lui, il essayait encore de la démontrer.

Par une fatalité de plus qui s’ajoute à toutes les fatalités dont le malheureux a été victime, par une méprise de plus qui s’ajoute à toutes les méprises sous lesquelles il a été accablé, un argument allégué par lui pour démontrer son innocence, a été transformé, par l’inattention, la légèreté ou la mauvaise foi, en un commencement d’aveu.

Et par une scélératesse qui s’ajoute à toutes les scélératesses dont il faudra bien qu’il rende compte un jour, le commandant du Paty de Clam, qui a certainement reconnu dans le propos prêté à Dreyfus par Lebrun-Renaud l’écho de sa propre conversation avec Dreyfus,