Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/76

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vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie. Je vais partir en manœuvres.

Cette pièce est sérieuse. Elle a été en effet saisie chez l’attaché militaire allemand, et l’homme qui l’a écrite est un misérable.

Mais cet homme, ce n’est pas Dreyfus : c’est Esterhazy.


III

Maintenant qu’un document nouveau a mis sur la trace d’Esterhazy, maintenant que les relations de celui-ci avec l’attaché militaire allemand, M. de Schwarzkoppen, sont démontrées, maintenant que l’identité de l’écriture d’Esterhazy et de l’écriture du bordereau apparaît absolue, foudroyante, le doute n’est pas permis. Il est certain que le bordereau étant d’Esterhazy n’est point de Dreyfus.

Mais même avant que le véritable traître fut connu, comment, par quelle incroyable légèreté, a-t-on pu attribuer le bordereau à Dreyfus ?

Rien dans sa conduite antérieure ne désignait celui-ci. Rien ne le rendait suspect. Il n’avait pas besoin d’argent : il n’était ni viveur, ni joueur ; ses revenus lui suffisaient et au delà. Une belle carrière s’ouvrait devant lui.

Nul n’a expliqué encore comment il pouvait être conduit à la trahison ; et les journaux antisémites, mêlant toujours la querelle religieuse à la querelle de race, étaient réduits à dire qu’il était en effet de la race qui ayant trahi « Dieu » doit, nécessairement et sans autre cause, trahir la Patrie.

Je me trompe : le commandant Besson d’Ormescheville, dans son acte d’accusation, a esquissé une explication psychologique où éclatent l’ignorance et la sottise de nos chefs.

Lisez ceci, presque à la fin de l’acte d’accusation : c’est le résumé décisif des charges morales :