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ESPERANTO

cette langue auxiliaire est harmonieuse. Par des procédés aussi simples qu’ingénieux, Samenhof a réduit à un minimum invraisemblable l’effort de mémoire exigé pour s’assimiler l’esperanto. Ce qui distingue tout particulièrement cette langue, c’est que, si l’on borne son ambition à savoir lire sans dictionnaire (point capital pour les aveugles), on peut y arriver en quelques jours, pourvu qu’on s’y consacre en entier.

L’utilité de l’esperanto me paraît devoir être beaucoup plus grande pour les aveugles que pour les clairvoyants, et cela pour deux raisons.

D’abord, l’emploi des abrégés dans presque tous les pays entraîne cette conséquence navrante que l’aveugle perd le profit principal de sa connaissance des langues étrangères. Je lisais couramment le français, l’allemand, l’anglais et l’italien, je déchiffrais l’espagnol, le portugais, le hollandais. Tout cela, y compris ce qui me restait de grec et de latin, est perdu si j’ai besoin de lire une publication étrangère faite en points saillants et écrite en abrégé. La difficulté de lire les langues étrangères en abrégé est telle que M. Monnier, secrétaire de l’Association internationale des étudiants aveugles, est obligé de prier ses correspondants d’écrire en toutes lettres ou en espéranto. Je ne crois pas qu’il existe, dans Paris, une seule personne sachant lire l’abrégé ponctué allemand. C’est une situation intolérable.

La seconde raison qui rend désirable et probable