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SUPPLÉANCE DE LA VUE PAR LES AUTRES SENS

pas de tendre la main à tout arrivant, avant de le faire asseoir. Je sais aussitôt s’il est ganté ou non, et la diversité des mains me renseigne, en la combinant avec la voix et la hauteur d’où elle provient, sur le sexe, la taille et, dans une certaine mesure, sur l’âge et la condition sociale de l’interlocuteur. La diversité des poignées de mains est infinie, aussi ai-je appris sans trop de surprise, qu’une personne à la fois sourde et aveugle et qui, par conséquent, n’entre en relation avec autrui que par la main, reconnaît quelquefois une poignée de mains à plusieurs années de distance. L’odorat aidant, il m’est arrivé de toiser en un instant un quémandeur dont l’haleine sentait l’alcool. Il ne se produit aucun affinement des sens auditif, tactile et olfactif, mais plus de subtilité dans l’interprétation des renseignements fournis par ces sens. Les aveugles de naissance sont passés maîtres dans ce genre d’exercices, et je voudrais donner, à mes confrères en cécité récente, quelques indications tirées de l’expérience de leurs devanciers.

Pour l’aveugle, c’est l’ouïe qui est presque le seul moyen de connaître les objets lointains. Il est donc désirable d’éviter les bruits inutiles, pour laisser plus d’action aux moindres bruits qui décèlent ce qui se passe autour de lui. Une fenêtre ouverte sur une rue pavée et fréquentée ne lui permet pas de reconnaître au son des pas, au frôlement d’une jupe, etc., quelle est la per-