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progressif de l’ennemi… du bluff, du battage, bref, tout un système de combinaisons obscures, lointaines, enchevêtrées, mais qui, toutes, ont ce caractère commun de forfanterie calculée, de certitude prétentieuse et mathématique… Vous me demandiez mes preuves… les voilà. Et puis, quoi ! peut-être le connaissions-nous tous… N’a-t-on pas prétendu que Lupin n’était autre que d’Arbelles !

Bergès. — D’Arbelles ! Édouard d’Arbelles !

Grécourt. — Oui.

Georges. — D’Arbelles ! Mais j’ai connu d’Arbelles !

Faloise. — Moi aussi. Et c’est vrai qu’il avait mauvaise réputation. Il a été blackboulé au Jockey.

Grécourt. — Musset aussi.

Bergès. — D’Arbelles ! n’était-ce pas ce très jeune homme, menant grand train, fort pâle, joli garçon et qui ressemblait à d’Andrésy ?

Grécourt. — Oui, il y avait entre eux une ressemblance extraordinaire et tous deux étaient à la mode. Un beau jour, il y a près de dix ans, d’Arbelles s’est évaporé. Le lendemain, un mandat d’amener a été lancé contre lui… On l’a poursuivi jusqu’en Australie. Et, le jour où on a mis la main dessus, on s’aperçut qu’on avait arrêté… devinez qui ?

Brizailles. — Alphonse XIII.

Grécourt. — Non. Mais d’Andrésy.

Georges. — Hein ?

Bergès. — Ce pauvre d’Andrésy ! Il a dû en faire une grimace ! Il était très lié avec d’Arbelles.

Georges. — Ah ! Ils étaient très liés ?

Brizailles. — Mais, au fait, qu’est-ce qu’il est devenu ?

Faloise. — Qui ça ? d’Arbelles ou d’Andrésy ?

Brizailles. — D’Andrésy. D’Arbelles n’est pas intéressant.

Grécourt. — À moins qu’il ne soit Lupin.

Faloise. — D’Andrésy est mort, du moins, on me l’a dit.

Bergès. — Moi, on m’a dit que s’étant introduit dans un harem, il avait enlevé la femme d’un pacha !

Brizailles. — Moi, on m’a dit qu’en chassant le buffle, il avait rencontré un tigre et que c’est du tétanos qu’il était mort. (À Georges.) Pourquoi ris-tu ?

Grécourt. — Moi, on m’a assuré qu’il avait découvert une mine d’or. Je le tiens d’un ami de sa famille.

Faloise. — D’ailleurs, elle est très bien, sa famille. D’Andrésy est le neveu du duc de Charmerace.

Bergès. — Oui, mais aucune fortune. Je me suis même laissé dire que c’était là la cause de son départ.

Brizailles. — Eh bien moi, on m’a dit plus fort.

Tous. — Quoi ?

Brizailles. — Je ne me rappelle plus, mais c’était effrayant.

Grécourt. — En tout cas, il a disparu de la circulation. Un Parisien de moins… Dis donc, Georges, avec tout ça, on meurt de faim.

Tous. — Oui.

Brizailles. — Si on se mettait à table.

Georges. — Impossible ! J’attends quelqu’un.

Grécourt. — Qui ça ?

Georges. — Il n’est pas ruiné, il n’a pas enlevé de femme turque, il n’a pas attrapé le tétanos avec un tigre, et il est généralement exact.

Grécourt. — Tu te f… de nous ?

Georges. — Je l’ai vu pour la dernière fois au Thibet, il y a six mois. Et il m’a dit : Je viendrai déjeuner chez vous, le lundi 1er mars, à une heure un quart.

Brizailles. — Le nom du Juif errant ?

Georges. — C’est mon meilleur ami.

Tous. — Merci.

Georges. — Du moins, je devrais être son meilleur ami. Il m’a sauvé la vie.

Tous. — Qui est-ce ?

Georges. — Seulement, il est si mystérieux, si distrait…

Brizailles. — Le nom du Terre-Neuve, ou je brise cette potiche.

Georges. — Ah ! non, ne la casse pas. C’est d’Andrésy.

Brizailles. — Oh !

(Il laisse tomber la potiche.)

Georges. — Animal !

Bergès. — D’Andrésy ! Il n’est donc pas mort ?

Georges, ramassant les débris. — Une potiche unique.

Grécourt. — Et il vient déjeuner ?

Brizailles. — Et il t’a sauvé la vie ?