Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/26

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gnait le laboureur à faire dans le sillon les besoins de nature, de peur qu’il ne perdit, en allant à l’écart, un temps précieux. Le travail durait le soir jusqu’à dix heures, et beaucoup d’esclaves, épuisés, se laissant tomber par terre à côté de leur pioche, prenaient aux champs leur sommeil, sans retourner pour la nuit à leur cabanon.

J’ai vu fouetter des esclaves malades, des femmes enceintes. J’ai vu dans une plantation du Guadalupe, un mulâtre tomber sous le fouet sans connaissance, et demeurer longtemps entre la vie et la mort. Quelle était la cause de ce traitement cruel? Il conduisait sur la route de Braunfels la voiture de la maîtresse de la maison. Un cavalier, dépêché par le planteur, rejoignit la calèche, et dit à cette dame que ses amies étaient arrivées et que son mari l’attendait. « Nous ne sommes qu’à deux pas de la ville, répondit la fermière; je ferai mes emplettes d’abord, et je reviens aussitôt.» Le planteur furieux avait battu le cocher d’une manière horrible, parce qu’il avait suivi les instructions de la dame au lieu de revenir sur-le-champ selon ses ordres à lui.

Mais l’épisode suivant, que je choisis entre beaucoup d’autres, donnera la mesure du calice d’amertume auquel boit la classe asservie. Le hasard me fit entrer, sur le Colorado, dans une grande plantation de coton, appartenant à un émigrant allemand du nom de Von Lenz. Indépendamment d’une quarantaine d’esclaves, de teintes plus ou moins foncées, appliqués aux travaux matériels, il y avait dans la maison deux jeunes gens tellement croisés que chacun les regardait comme