Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/32

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Si jamais fuite est excusable, et justifiée, c’est bien celle d’Amanda. Vous venez à point ; vous la prendrez en croupe. » J’appris ensuite du ministre méthodiste tous les détails de l’entreprise, dans laquelle l’auteur principal risquait sa vie. Les heures étaient précieuses ; le soir même était le moment fixé pour l’exécution. Le missionnaire partit dans sa chaise, et je le suivis à cheval.

Nous fîmes route vers la ville, où nous n’arrivâmes pas avant la tombée de la nuit. B… résidait à quelque distance de l’agglomération principale. Son habitation, entourée d’un assez grand jardin, était précédée de trois autres maisons de campagne sur la même ligne. Le côté opposé du chemin ne présentait que la prairie vierge, se poursuivant à perte de vue sur les vallons et les collines, et fréquentée seulement par le bétail.

Avant que nous eussions atteint la quatrième habitation, des cris plaintifs frappèrent nos oreilles. Nous eûmes bientôt reconnu la voix d’une femme, éperdue, éplorée, exposée au traitement barbare d’un employeur. Le demi-jour qui régnait encore nous permit d’apercevoir une esclave attachée à l’un des poteaux de la galerie. Le boucher, maniant d’un bras vigoureux une épaisse lanière de cuir, frappait sa victime sur le dos et sur les reins, avec une sorte de plaisir sauvage. Cette esclave, c’était Amanda.

— « Oh ! maître, s’écriait-elle, pitié, pitié ! Je ne vous ai pas offensé. Je ferai ce que vous m’ordonnerez ; je serai vigilante ; je serai soigneuse. Je tiendrai votre ménage, je trairai vos vaches, je ne prendrai pas de repos ; mais n’exigez pas de moi davantage.