Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ments populaires. Il n’y avait ni le concours tumultueux de la multitude, ni les souvenirs d’une longue oppression, ni le retentissement d’une lutte meurtrière, ni le spectacle des victimes et de leurs habits tachés de sang. Non, c’était l’intérêt tout seul, l’intérêt tout nu, qui, dans un groupe d’une vingtaine d’hommes riches, excitait à froid la passion et la cruauté.

Le lecteur, pour apprécier le péril qui menaçait le marchand ambulant, doit se représenter l’isolement de la scène. Les hameaux sont distants entre eux de plusieurs lieues. La nouvelle de ce qui se passe dans l’un ne parvient souvent dans l’autre qu’après plusieurs jours. Les habitants, peu nombreux, prennent part tous ensemble à un acte semblable de vindicte, et tous ont intérêt à en voiler les détails. Les magistrats sont éloignés et indifférents; la police est nulle. Les fonctionnaires d’ailleurs sont dévoués corps et âme au parti des riches. Ils justifieraient l’homicide plutôt qu’ils n’en poursuivraient les auteurs. Qu’on se rappelle le spectacle offert, sous la restauration, par les excès des Trestaillons et de la Terreur Blanche, et que l’on transporte ces excès dans un pays à peine habité, dans des solitudes soustraites pour ainsi dire aux regards du monde.

Faisant un retour sur ma rencontre de la veille, je mesurai l’étendue des dangers auxquels le révérend Jasper s’exposait tous les jours. Je ne pouvais m’empêcher d’honorer son dévouement, son abnégation, son courage. Tout en évitant de le compromettre, j’essayai de disculper le marchand.

— « J’étais hier aussi chez Von Lenz, dis-je très-haut