Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/47

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camarades, et les gredins de noirs préféraient ses discours d’ignare à la rhétorique que j’ai étudiée au collège. Si nous parvenons à le rattraper, je le mets hors de service pour six mois au moins.»

— « Et la femme, demanda quelqu’un au settler, est-elle toujours avec eux? »

— « Je n’ai pas vu de femme, dit celui-ci avec une bonne foi parfaite.»

— « C’est dommage; c’était votre affaire, Anthony, ajouta le même cavalier en s’adressant au jeune homme qui venait de parler. Voilà longtemps que vous désirez élever des blancs.»

— « Oui, fit Anthony, nous désirons élever des blancs à la maison. Nous n’avons qu’une belle mulâtre, une jolie femme, bien faite; mais elle est stérile. Mon père et moi désespérons maintenant de la voir porter[1]

Ces dernières paroles, dont j’adoucis la crudité dans la traduction, étaient prononcées avec l’aisance et le sangfroid que le jeune homme eût mis à parler de ses juments ou de ses vaches. Et cependant il n’était pas inaccessible à des sentiments généreux; il était capable d’amitiés chaudes et dévouées, et je l’entendis parler de sa mère avec effusion.

Qui ne se fût pris à regretter, dans cet instant, la fatale erreur d’éducation, qui entraîne cette jeunesse dans une voie révoltante et cruelle? A la vue de ces rangers alertes, vigoureux, ardents, — pourvus de toutes les ressources de la guerre et de l’industrie : l’instruction, l’argent, les chevaux de prix, les armes précises, — qui

  1. Father and me could not get her with child.